Un nouveau jour, je m'affaire près d'un ruisseau - j'ai une plante bien spécifique à récupérer, mes réserves diminuent. Pas de patients en ce moment, je ne sais si je dois m'en réjouir ou pas, je me sens presque inutile. D'un autre côté, si personne n'est en danger de mort, c'est aussi bien comme ça. J'ai une impression étrange aujourd'hui. Mes derniers rêves ont été troubles et je n'ai pas été capable de m'en souvenir - ce qui n'arrive habituellement jamais. La seule chose qui m'a frappée est une image de feu. Sa chaleur, une sensation étrange : pas de brûlure mais de légers picotements, puis le brasier, la chaleur qui augmente - toujours sans douleur ou blessures - et l'inconfort qui s'installe. Inconfort car je sais d'où vient ce rêve. Un souvenir. Je pense avoir rêvé l’événement. Je me concentre, cherche la plante en question. Ah, là voilà, je vais pour en attraper un brin mais me pique.
Un oiseau me survole, je lève la tête, croise mon regard dans l'eau.
Torches, la clameur - de mon passé ? - enfle. Un oiseau - je ne parviens pas à en voir plus -, une menace qui accule et insulte.  "Démon" - non ce n'est pas le passé, mais un futur, pas le mien de prime abord non plus - ! Les sinuosités de la montagne bloquent, servent de cage au porteur de l'attention. Le sorcier a les yeux bleus.
La vision s'efface aussi vite qu'elle est apparue et me laisse à bout de souffle. Non-sollicitée, elle s'empare de mes sens, prend le contrôle. Je ne sais pas si je parviendrais un jour à y rester de marbre. La montagne Fabrice, donc. Je regarde le ciel et estime l'heure de l'incident : je sais qu'il aura lieu aujourd'hui. Et bien que je ne connaisse pas cette personne, je ne peux pas me résoudre à ne pas intervenir, pas maintenant que je sais. J'ai un jour connu la colère du peuple, une partie de moi est morte ce jour-là, avec elle. Il en va de mon devoir de faire quelque chose.
Redistribuer l'aide que j'ai reçue, peut-être. Ou bien tout simplement aider un pair inconscient du danger qui le poursuit.
Toujours est-il que j'expédie rapidement mes tâches pour me diriger vers le lieu des événements.

Je ferme les yeux, me remémore la scène. Je perçois presque la chaleur des torches, revois leurs nuances. J'ouvre les yeux et étudie les alentours. Ce que j'ai vu doit être en train d'arriver en ce moment-même, à moins d'un kilomètre de là. Je ferme les yeux, inspire et me sens voyager. Je les rouvre, prend la main du sorcier dans la mienne et recommence, surprise par la proximité du danger. Une exclamation et nous voilà repartis. Sauf que je ne parviens pas à nous emmener à destination. Nous déboulons cent mètres plus bas et, essoufflée, je me demande ce qui a pu nous faire dévier.. Autre problème : nous sommes déjà repérés.

- Bonjour !, je crois qu'il va falloir courir. Suivez-moi !

Et je l'entraîne à ma suite sans attendre, consciente que notre avance est au final bien mince. Que s'est-il donc passé ? A-t-il résisté ? Ai-je été déstabilisée ? Tant pis, l'erreur est arrivée, à nous de faire avec.

Les choses auraient pu être pires, c'est vrai. Mais ça pourrait vraiment être mieux. Profiter de la journée pour autre chose que de courir pour semer d'obscurs crétins, par exemple. Je n'ai pas eu le temps de sonder la foule mais je sais déjà que je suis repérée, cataloguée. J'espère ne pas avoir de problèmes par la suite avec l'un d'entre eux. Pas le temps pour ce genre de considérations cependant, j'ai une mission à mener à bien. Ma tête tourne légèrement, je tâche de réguler mes battements de cœur, mon souffle pour aller mieux. Je ne sais pas si je n'ai pas trop épuisé mes forces aujourd'hui, se dématérialiser par deux fois en un court laps de temps ne peut pas me faire de bien. Je refuse de ralentir ou de faiblir et continue, faisant fi de mes vertiges que j'espère momentanés.
Le jeune sorcier dégage rapidement sa main de la mienne, je ne m'en formalise pas jusqu'au moment où ce dernier s'arrête tout à fait de courir. Ma surprise se lit peut-être sur mon visage - cherche-t-il à mourir ?, je me tourne vers lui, inquisitrice. L'énergie bouge autour de nous et la couleur de ses iris - et de ses tatouages ? - change. Il use de la magie. Pas besoin de lui poser de questions, un filtre translucide coupe désormais la route de nos poursuivants - pour combien de temps encore ? qui gagnaient du terrain, maintenant que nous étions à l'arrêt. Se tournant vers moi, la couleur qui le teintait change désormais pour quelque chose de plus fauve. Une boule de feu se forme entre ses mains. J'hausse un sourcil, me demande s'il compte bien s'en servir contre moi.
Je me souviens de ce jour en particulier, me demande si le sort de protection de mon ancienne mentor pourrait toujours empêcher le feu de me brûler.

- Que me voulez-vous, sorcière ?

Je suis surprise que mes intentions ne soient pas évidentes, ne sais pas comment prendre l’appellation. Il est méfiant, agressif. Et semble considérer nos statuts de sorciers comme quelque chose de négatif. Je choisis de ne pas me sentir insultée et réplique de la même manière, derrière les coups de poings de nos poursuivants contre ce qui semble finalement être de la glace.

- Vous sauvez la vie, sorcier. Maintenant j'aimerais vraiment que nous ne perdions pas d'avantage de temps, je ne tiens pas à finir lapidée ou pire.

Pire comme me retrouver une nouvelle fois sur le bûcher. Ai-je jamais dis que je vouais, depuis, une sainte horreur à tout ce qui pouvait se rapprocher à mourir brûlée ? Sans parler des cauchemars, bien sûr. Cauchemars dans lesquelles je voyais la femme qui m'avait sauvée la vie brûler et agoniser sans que je puisse rien y faire.
Je concentre mon regard sur le jeune homme et sur son "aura" feu-follet. On pourrait presque le croire en train de brûler, comme cela. Sur un ton plus neutre, j’enchaîne.

- J'ai vu ce qui ce aurait pu se produire et j'ai décidé d'intervenir. Ils ne nous suivront pas si nous réussissons à gagner la Forêt Sombre.. Sauf si vous avez  une meilleure idée.

La glace, plus que fragilisée, se fissure lentement. Certains y vont avec des fourches, d'autres tâchent de faire fondre la paroi. Le temps nous est encore compté, et tout ça pour quoi ?

- En attendant, je propose que nous ne trainions pas et que nous remettions à courir.

Je ne cherche pas à lui prendre la main cette fois, je n'en est pas besoin, bien que mon souffle soit à nouveau régulier et que mes vertiges aient disparus, je me sens toujours affaiblie. Je n'ai malheureusement pas grand chose sur moi - très peu de fioles, et encore pas sûr que l'une d'entre elles puissent s'avérer utile. Sans rien montrer de mon trouble, je me détourne des visages haineux qui nous maudissent du regard et tâche de faire fluctuer mon énergie. Yeux clos, les pieds ancrés dans le sol, j'attends, me détends puis enfin sens mon flux sanguin. Me concentrant d'avantage, je parviens à sentir mon énergie. Je la fais monter de mes pieds jusqu'à ma tête, réduis mon anxiété - bien trop de choses me semblent en jeux, le dernier jour de mon ancienne vie me revient sans cesse en tête, bien trop pour que je puisse aborder cette situation calmement, je suis certainement trop impliquée personnellement. Je me détache de tout cela, essaie de regagner ce que j'appelle ma "neutralité bienveillante". Il est ensuite l'heure d'ouvrir les yeux et de se préparer à une fuite en bonne et du forme.
Je tourne la tête vers le sorcier, un gros bruit - la paroi de glace !, et nous nous mettons subitement en route.

Je n'aime pas notre situation. Dans des romans, nous aurions pu être deux amis fuyant le sourire aux lèvres mais il s'agit de la vrai vie, et on ne sourit pas quand le danger nous guette, à moins d'avoir de sérieux problèmes. Et la situation n'était pas bonne, elle n'en avait pas non plus l'air. Trop de monde, trop d'agitation, tout était bien trop précaire. Une erreur - comme celle que j'avais dû commettre, à un moment ou à un autre, par exemple - et c'en était fini de nous. Nous bien étrange, d'ailleurs, mais ayant pris comme responsabilité de le sortir d'affaire, je n'avais pas vraiment d'autre choix. C'était étrange, cette sensation. L'idée fixe qui me hantait depuis ma vision. Je le sauverais, ou mourrais en essayant, ma seule et unique certitude concernant notre situation.
Bien délicate, par ailleurs. Un gros bruit, et plus rien. Plus de vitre pour nous protéger, nous étions à découvert, si vulnérables. Sans plan pour nous sortir de là, enfin, si : courir. Je ne connaissais pas l'autre sorcier, ne pouvais compter sur ses éventuelles qualités.
Je prends garde à ne pas perdre mon souffle et veille discrètement à ce que la personne pour qui je suis dans ce pétrin ne se perdre pas en chemin - je ne suis ni très rapide ni forcément endurante mais j'ai eu l'instinct de courir plus tôt, bien qu'il me dépassera rapidement, ce n'est qu'une questions de foulées, maintenant. Le voilà qui me dépasse presque et attrape ma main, je tâche de ne pas me montrer trop surprise - ou bien suspicieuse - quand il s'explique d'avantage :

- Cela va piquer un peu...

Et en effet, sa main me pique. Enfin, pas sa main, mais qu'importe. Je manque tout d'abord de trébucher sous l'effet de l'énergie passant de lui à moi - est-il si désespéré, si confiant en mes compétences ou bien en moi ? - mais je me rattrape vite, tomber n'aiderait pas vraiment... Je lui accorde un regard et note une lueur jaune, qui se dégage de son corps... ses marques ? Ses yeux et veines aussi, d'ailleurs, si bien qu'il semble se fondre en soleil. Je détourne le regard, l'entends ajouter :

-  Téléportez-nous.

J'hoche alors la tête, rythme mes foulées sur les battements de mon cœur et, les yeux ouverts, tâche de me concentrer assez pour sentir l'énergie dans mon corps et autour de moi - il y a d'ailleurs une masse palpitante d'énergie à deux pas, qui brille comme un bûcher sur mes radars mentaux. Je tâche de faire abstraction, tiens plus fermement sa main et.. "pof", pourrait-on dire. Sauf qu'il est toujours en train de courir et que je m'arrête subitement pour reprendre mon souffle, la téléportation ayant été fluide, oui, mais pas moins énergivore pour moi. Verdict, je tombe, entraînée par le mouvement et manque de peu de l'entraîner avec moi.
Nous sommes sous le couvert des arbres, sur l'autre versant de la montagne, à plusieurs kilomètres de l'agitation. Je reste à genoux un instant avant de me relever, régulant mes battements de cœur.

- Je n'avais jamais fait ça avant.. Comment saviez-vous que ça marcherait ?

Puis j'essuie mes mains - terreuses - l'une contre l'autre et une fois satisfaite, lui en tends une :

- Winath Lone, et vous ?

L'adrénaline a beau s'effacer, je me sens revigorée - certainement trop. A-t-il présumé de ses forces ? Sous-estimé les miennes ? S'il se montre encore très méfiant alors que je me détends et m'autorise un sourire, nous sommes en vie ! C'est une très bonne raison d'être heureux et je suis loin de m'en priver. Le ciel est toujours là, au-dessus de nous, la terre et l'herbe nous maintiennent perpétuellement et une légère brise nous rafraîchit. Je ferme les yeux, prend la peine de travailler ma respiration. Mon cœur se calme et plus sereine, je m'intéresse à ma bonne action du jour.

- Arthas Litches.

Il accepte ma poignée de main, me regarde dans les yeux. J'apprécie cette marque de respect sinon de confiance. Arthas, donc. Je dois bien l'avouer, j'ai un instant pensé qu'il ne me rendrait pas la pareille, se contenterait d'aller de son côté. L'oiseau de ma vision le rejoint sans mal, se pose à ses côtés. C'est un bel animal, je n'en dis toutefois rien.

- Merci de nous avoir sorti de là. Et je savais que ça marcherait parce que je l’ai déjà fait plus jeune avec mes parents… Seulement donner son pouvoir est plus épuisant qu’il n’y parait…


Je lui sourie, ne fais pas grand cas de ce que je viens de faire. Ses remerciements sont toutefois les bienvenues. Je note de plus l'information, ai comme l'impression que le tout date. Et qu'il n'a plus le loisir de retrouver ses parents. Je me demande si c'était bien là sa première expérience de la rage populaire. Je le lui souhaite, sans toutefois en être convaincue. Il est bien trop méfiant, précautionneux. Encore un qui n'aura pas été épargné. Je réprime un soupir, accorde une pensée à mes semblables, quels qu'ils soient ou aient été. Il s'adosse à un arbre, semble vraiment vidé de ses forces. Je ne me vois absolument pas l'abandonner maintenant, me décide en silence à le prendre en charge. Je n'ai pas fais tout cela pour m'arrêter maintenant. Ce n'est pas mon genre. Je m'approche doucement, ne cherche pas à lui faire peur, ni à lui donner l'impression de chercher à le berner, d'une façon ou une autre.

- Arthas ? Pourquoi m'avez-vous finalement fait confiance, là-haut ?

Ce faisant, je désigne de la tête le haut de la montagne. Je marque une pause, lui laisse le temps de peser sa réponse. Je m'accroupie à ses côtés, inspecte du regard ses yeux. Il ne semble pas fiévreux, juste épuisé par les efforts déployés. Je cherche son approbation, demande :

- Je peux ?

J'approche l'extérieur de ma main de son front, le frôle presque. Non, pas de fièvre. Un simple épuisement. J'ouvre la petite sacoche qui ne quitte pas ma ceinture, en sort une fiole.

- Voulez-vous bien me faire confiance, une fois de plus ?

Je lui propose le contenu de la fiole. Légèrement rosé, presque transparent, le liquide ne peut que lui faire du bien.

- Ca vous aidera à vous sentir mieux.

Je ne le force pas, attends qu'il prenne de lui-même la petite concoction. Ca ne pourra pas lui faire de mal, et nous avons de la marche devant nous. Je suis en bien meilleur état que lui, oui, mais pas en mesure de nous ramener directement à la maison. Ayant forcé sur mes habilités pour la journée, je ne peux que le soutenir, l'aider à avancer au mieux de mes capacités, qui ne sont, heureusement, pas négligeables. Tout ira mieux dans ma cabane. Il pourra manger, se reposer, reprendre des forces. Et je n'aurai pas à regarder par-dessus mon épaule sans cesse, histoire d'être sûre. La chair de poule à du mal à me quitter ; je dois dire que je me suis revue sur le bûcher. Brûler vif, même un tout petit peu, n'est pas un souvenir que l'on retrouve avec le sourire. Personne n'apprend jamais, la violence continue.

L'hésitation n'est heureusement pas longue et, en prenant visiblement soin d'éviter de me toucher, il récupère la fiole, en vide le contenu. Un petit sourire m'échappe, ravie de ce petit pas supplémentaire. Une légère lueur semble s'échapper de son corps, j'observe le phénomène sans broncher, me montre indifférente à l'événement, bien que plutôt curieuse. Je ne veux pas le presser, ni le pousser dans ses retranchements. Si c'est bien ce genre de chose qui lui attire des ennuis, je préfère de pas montrer d'émotion, de réaction sur le sujet. Je distingue les traces d'une grimace, ne peut empêcher une moue amusée. Ah, vraiment ? Je n'ai cependant pas le temps de m’appesantir sur la question, ses yeux rencontrent les miens.

- Pourquoi m’aidez-vous alors que les autres me détestent rien qu’à ma vue ?

Son ton est peu amène, plutôt agressif. Je ne lui en veux absolument pas, cherche les mots justes.

- Je donne peu de valeur à ce que pensent les autres. Je suis en paix avec ma conscience et c'est tout ce que je recherche. J'ai fais le choix de vous aider, aujourd'hui, je ne vais pas m'arrêter maintenant. Pouvez-vous vous lever ?

Je me relève légèrement, récupère ma fiole vide et avec un sourire, la lui désigne.

- De l'eau, du sucre et.. un ou deux ingrédients secrets.


Son soupçon de grimace toujours en tête, je lui suppose une préférence pour le salé. Légèrement amère, peut-être, la préparation n'est pas censée être mauvaise, juste peut-être, pas des plus agréables. Bien qu'il ne me soit clairement pas apparu comme tactile, je lui propose mon aide, lui tends ma main. Qu'il la prenne s'il le désire - ou non. Le principal est d'essayer d'avancer, de se mettre en route. On ne sait jamais. Un bruissement et je regarde autour de nous, lève la tête. Il y a de l'agitation, plus haut. Nous sommes dans l'immédiat hors d'atteinte, cela ne sera peut-être pas le cas dans une heure. Tout dépend du chemin que nos poursuivants choisissent. Je ne peux pas assurer notre sécurité ici. Et je suis loin d'apprécier ce sentiment de vulnérabilité, de quasi impuissance.

- Mon domicile n'est pas si loin que ça, il nous faut toutefois nous mettre en chemin sans tarder. Ça va aller ?

Je préfère être sur mes gardes, nous octroyer de l'avance que du retard. La seule question étant.. Est-il suffisamment en forme ? Le liquide donné est plus naturel que magique, ne se fera peu-être pas sentir immédiatement : chaque organisme étant différent, je ne peux pas promettre une efficacité dans l'instant. Ni le porter tout à fait, encore moins contre sa volonté. Une légère tension sur les épaules, je masque mon inquiétude, fais le tour de nos possibilités, recherche le meilleur itinéraire. Nous devons nous enfoncer plus profondément dans les bois, faire un détour pour atteindre ma cabane - je refuse de les y mener, d'une façon ou d'une autre. Personne ne me chassera de chez moi. Ni aujourd'hui, ni demain.

Si son hésitation est palpable et était attendue, j'étais loin d'être sûre de pouvoir miser sur un contact physique. Il accepte, je l'aide à se relever - il a bien fait d'accepter mon aide, n'est pas encore tout à fait stable. Je suis ravie qu'il ne fasse pas davantage sa tête de mule, accepte la réalité et reste réaliste quand à son état physique. C'est une bonne chose. Les patients récalcitrants sont toujours une plaie. Arriver à quelque chose est peut-être légèrement plus gratifiant mais le processus, lui ? Vraiment pas pratique. Je n'aime pas spécialement user de la violence, force les autres. Pas que j'en développe une mauvaise conscience ou de regrets - c'est nécessaire. Ce n'est seulement pas ce que je préfère, loin de là. Quitte à faire ce qu'on aime, autant y aller jusqu'au bout. Bon, Arthas semble reprendre des couleurs, n'a plus besoin de mon appui pour tenir sur ses jambes. C'est un bon signe, une amélioration non négligeable. Il ne lâche pourtant pas ma main et la serre légèrement plus fort. Le geste se veut rassurant ; il n'est pas seul, nous allons nous en sortir.

- Il faut y aller.

J'hoche la tête, félicite sa détermination. Je ne doute plus et, augmentant légèrement le rythme sans pour autant aller trop vite pour lui - il va falloir marcher plus vite, oui, mais progressivement. Je préfère faire les choses ans cet ordre là plutôt que de devoir le porter ou le traîner sur plus de la moitié du chemin. Si le besoin s'en fait, en dernier recours, nous devrons courir. Ce n'est pour l'instant pas encore le cas. Nous verrons.
J'essaie de rester à son niveau, n'aime pas spécialement l'idée de le tirer derrière moi. Je nous guide à travers la végétation, tâche d'effectuer un demi-cercle. Ainsi, notre destination est légèrement moins évidente, j'ai dans l'impression que nous repérer ou nous suivre sera moins aisé. Pas que nos "braves" villageois soient encore descendus de la montagne. Eux n'ont pas pu changer de lieu en un claquement de doigts - tant mieux pour nous. Cela nous donne de l'avance, nous permet de ne pas nous épuiser inutilement. Le terrain est de plus plutôt accidenté, il nous faut faire attention. Les troncs et obstacles se font plus nombreux, je nous sens ralentir. Je lâche sa main, passe son bras derrière ma tête et le supporte davantage.

- C'est mieux comme ça, non ?

Je ne saurai dire s'il est à l'aise, n'ai pas le loisir de m'appesantir dessus.

- Encore quarante minutes, avec un rythme un peu plus soutenu, et nous y serons. Le plus gros est fait.

Bon, il va falloir accélérer ou y passer une heure de plus. Mais nous sommes sur la bonne voix. Le pied de la montagne est désormais loin, nous nous enfonçons davantage dans la forêt sombre, en direction de sa jumelle, où la lumière perce et où, dit-on, le danger rôde moins. Empruntant quotidiennement les deux forêts, je ne suis pas sûre d'être d'accord avec la rumeur. Les créatures bougent, elles aussi. Le danger rôde et se déplace, n'est pas fixe. Mais c'est bien connu, l'ombre fait peur. Pour ma part, je pense que ce qui est à découvert, à la vue de tous, dans la lumière, est plus inquiétant. Parce que le mensonge, l'illusion est partout. La violence aussi. Les monstres ne se cachent pas tous. Enfin. Ma respiration se fait légèrement plus laborieuse. Je ne suis ps particulièrement en forme, aurai bien besoin d'un peu d'eau, d'une petite pose. Mon épaule commence à tirer, je persévère.

- J'espère que vous avez l'habitude de marcher, ce n'est pas tout près. On oublie ce genre de détails, quand on ne cherche pas à sauver sa vie. La balade est autrement très agréable, je vous assure.