Retrouvailles autour d'un verre.

Ft Bélial et Alexandre Hawthorn.

La soirée ne se passe pas comme prévu. Mais alors, pas du tout. Je piétine plus que je ne marche, furieuse. Non mais et puis quoi ? C'est vraiment pas permis d'être aussi c- je prends une grande inspiration, tâche d'afficher un sourire, même s'il s'avère être plus que forcé. Je bouillonne. On parle d'un informateur ! Essayer de me soudoyer de la sorte ? Me menacer ? Mes membres brûlent de faire demi tour, de lui régler son compte. J'inspire par a-coups, décidée à limiter la violence pour ce soir. Il a tout de même rencontré un mur, et ma main ayant malencontreusement glissé sur sa gorge, dans le but de le stabiliser, bien sûr, manqué d'air. Ce qui est un comble, pour un personnage si odieux. Croire qu'il pouvait m'intéresser ? Que je n'avais aucun mais alors aucun amour propre ? Ah ça non hein. Qu'on arrête de vouloir me faire mélanger vie privée et professionnelle, merci. C'est quoi, leur problème, à tous ? Un sourire mauvais m'échappe et je revois ses yeux exorbités, le goût de sa peur toujours sur le palais. Aaah. Je serre le poing, reprend le contrôle, mieux vaut ne pas m'oublier en pleine rue, merci bien. J'ai suffisamment de problèmes comme ça. La rue est assez sombre, toutefois pas suffisamment pour que mes yeux lupins ne fassent pas tâche. Un lampadaire sur trois est en état de marche, et je dois dire que j'adore cette rue. Sombre, presque toujours vide. Déjà habituée  la ville, je me dirige sans trop de mal, ait su trouver les bonnes adresses sans encombre. La taverne est en vue, je me détache les cheveux, les ébouriffe. La journée de travail est terminée et mon cuir chevelu commence à tirer. Bon. Il est grand temps que je me détente, que je pense à autre chose qu'au travail qui m'attendra encore demain. Un verre - soyons réaliste, plusieurs - un compagnon d'infortune à qui parler, qui sait, peut-être un jeu de carte, ce sera un début satisfaisant. J'ai aussi faim mais pas moyen de me contenter d'un steak trop cuit ou que sais-je. Après mon entrevue, mouvementée, je ne désire qu'une bonne chasse, laisser couler du sang dans ma gorge. Ça attendra, la brûlure de l'alcool suffira peut-être. J'hausse les épaules, me dirige vers le bar sans attendre, offrant au passage un signe de tête aux dirigeants.
Un autre mouvement de ma part et mon verre m'attend déjà. Je ferme les yeux pour mieux apprécier la boisson, sans instantanément les effets de l'alcool. Mon rythme cardiaque se fait plus lent, je me relâche imperceptiblement. Je fais le tour de mes voisins de tabourets en sirotant mon verre, en demande un deuxième avant d’apercevoir un homme blond, pas trop vieux, qui semble fêter quelque chose. Je déteste trinquer toute seule. Mon nouveau verre en main, je l'aborde.

- Bonsoir, tu me fais une place ?

Bon, je ne lui laisse pas non plus le loisir de me répondre et récupère une assise. Je le désigne ensuite de mon verre, demande :

- On fête quelque chose ?


Je lui offre un sourire tout ce qu'il y a de plus amical, m'efforce de ne pas vider mon verre d'un trait, en consomme une gorgée de plus à la place.

Retrouvailles autour d'un verre.

Ft Bélial et Alexandre Hawthorn.

Mon arrivée ne passe pas tout à fait inaperçue. Pas que cela m'importe vraiment. Je croise des regards surpris, leur offre un simple mouvement de tête, avant de me concentrer à nouveau sur mon autoproclamé compagnon de boisson. Ce dernier me semble bien mal à l'aise. Même si l'alcool n'a pas encore d'emprise sur moi, je tarde à me dire que j'en suis peut-être la cause. J'hausse un sourcil, me contente d'un silencieux "Nannn, quand même pas" avant de passer à autre chose. Le barman m'a a l’œil. J'aime à me dire qu'il sait reconnaître un bon client quand il en voit un, veille à ce que ma gorge ne s'assèche pas. L'ambiance n'est pas tout à fait lancée - le petit groupe semble plus calme que prévu. Vu leurs âges, je supposais moins de timidité. Certains de ses membres m'envoient toutefois le genre de regards qui ne trompe pas. Comme quoi, j'avais peut-être vu juste, au moins un petit peu. Pas que quoi que ce soit soi au menu. Il est peut-être trop tôt pour en juger, mais je ne recherche qu'une compagnie momentanée pour l'heure. Un verre, un jeu de carte, peut-être. Rien de plus. Les mauvaises langues insisteraient sur le fait que tout commence toujours de cette façon. Je n'essayerais même pas de m'en défendre.

- Bonsoir, hum, oui, mes plans pour les travaux sur la voie de chemin de fer ont été acceptés par les maires de Flamdone et Straunbourg...

Je lui décoche un sourire et, plutôt impressionnée - ce n'est quand même pas rien, pour un accomplissement de civil, lève mon verre à sa santé.

- A la tienne. Je marque une pause et ajoute : Au travail.

Je cogne gentiment mon verre au sien, le regarde dans les yeux ce faisant. De l'autre côté, un de ses - je suppose - collègues est en train de raconter une blague. Je n'en saisi ni le début ni la chute, ne fais pas l'effort de comprendre. Ils en rient. Tant mieux pour eux. Je n'arrive pas à me défaire d'une impression de vulnérabilité. Le fait que je ne puisse pas surveiller la salle en son entier et laisse mes arrières à découvert ne me plait pas particulièrement, ce soir. Je ne dois pas avoir encore assez but. Si je commence à devenir parano, où va-t-on ? Je vide mon verre, en demande un autre d'un signe de tête, ajoutant d'un signe une deuxième boisson. Il n'y a pas de raison que je sois la seule à boire, ce soir. Mon voisin de tabouret se fait silencieux, j'essaie de faire démarrer la conversation.

- A qui ai-je l'honneur ?

Finalement, un de ses amis lève son verre dans ma direction. Je lui offre un moue mi-sérieuse mi-amusée, l'imite. Je suis la première à finir mon verre, commence à m'amuser. Mon choix n'était peut-être pas des plus mauvais. L'alcool fait lentement son effet, je me relâche légèrement, oublie un instant mes exploits de la soirée ou la violence à peine contenue que j'amenais avec moi en arrivant. Comme quoi, il n'y a rien de mieux pour se détendre. Je me sens toujours épiée - mon dos picote presque - et je ne parviens pas à me départir d'un sentiment de familiarité. Je me retourne, ne comprend pas l'origine du sentiment. Il y a trop de monde, et ma boisson inhibe partiellement mon odorat. A la place, je paie ma tournée, instaure un rythme plus soutenu. Plus il y a de verres vides et plus je suis sûre de m'amuser. Mon inespéré compagnon de boisson s'attire des regards désapprobateurs. Je n'en aurai rien à faire si mon voisin ne se crispait pas. Il touche à peine à son verre, joue plus avec qu'autre chose. Sur le ton de la conversation, et pour me donner bonne conscience, je demande :

- Vous faites quoi, tous, dans la vie ?

Le trouble-fête me jette un drôle de regard. Je fronce les sourcils, n'apprécie pas spécialement l'attention. Ce n'est même pas intéressé, encore moins lubrique. Juste mauvais. Je ne le connais pourtant pas - je suis positive. Je me souviendrais de lui, si nous avions un jour joué aux cartes. Ou plus. Il est bien trop oubliable pour que quoi que ce soit ait pu advenir. J'ai quand même plus de standards que ça. N'importe quel loser ne se fraie pas un chemin jusqu'à mes draps. Un loser charismatique, drôle ou mémorable, d'une façon ou une autre, oui, sans hésitation. Le reste ? Non. Pas besoin de passer à la suite pour savoir la gêne et l'ennui que le tout procurerait. Un autre verre arrive dans ma direction. Je ne me tourne même plus vers le barman pour le remercier, ne compte plus le nombre de fois que je l'ai déjà fait, ce soir. Mon nouvel ennemi déclaré regarde sa montre, s'agite. Il tente clairement de pousser ses amis à rentrer. Je me mord la langue en vain.

- Qu'est-ce qu'il y a l'ami, tu es pressé ? Ta femme t'attend, c'est ça ?

Je mettrai - presque, je dois le dire, on ne sait jamais, avec ces choses-là - ma main à couper qu'il n'en a pas. Pas même de maîtresse. Il y a quelque chose d'incroyablement triste à son propos. Sous ses grands airs et son rire gras, il reste un fils de riche, puceau, et incroyablement méprisant. Présomptueux, aussi, tant que la liste est ouverte. Ma réplique fait des remous, je ne suis plus certaine d'être la bienvenue. Sauf pour mon nouvel ami de boisson, qui, déjà bien alcoolisé et plutôt hébété, a du mal à finir son verre. Il ne manque pas de volonté ou d'envie, ne parviens juste plus à le tenir sans en renverser la moitié. J'éclate de rire et il me suit, tout sourire. Il y a du marin en lui, et j'apprécie l'effort. Tout le monde ne peut pas se targuer de savoir se mettre minable de la sorte.

Retrouvailles autour d'un verre.

Ft Bélial et Alexandre Hawthorn.

J'aurai probablement dû laisser couler. L'ambiance a commencé à changer et je réprime une moue. Pas un bon choix. D'un autre côté.. Si mon mordant ne plait pas, qu'ils aillent voir ailleurs. Je ne vais pas changer pour leurs petits yeux. J'avale une gorgée de plus, prend mon temps pour faire le point sur la situation. Je joue avec ce qui me reste de boisson, tourne gentiment mon verre. La tension monte et je tâche de me calmer, ne laisse rien paraître. Ma diversion ne fonctionne pas, ce soir. Le divertissement devient prise de tête et je maudis mon choix. Les petits blonds, je vais les éviter un moment, pour la forme.

- Je pense qu'il serait temps pour nous de rentrer. Nous n'avons pas besoin de… vos services.

C'est évidemment le petit blond en question qui prend sur lui de parler, enfin. Pour.. me dire ça. A moi. Mon ennemi du moment triomphe, me lance un regard peu amène. Estomaquée, j'ai quelques secondes de retard. Ils évacuent les lieux sans perdre de temps, embarque même l'homme bourré. Mais je suis sur leurs talons, mon fin de verre avec moi. Je ne me contrôle plus, exhale de colère. J'attrape le petit blond par l'épaule, le retourne.

- Pardon ? Mon sourire tourne à l'acide. Regarde-moi bien, petit. Je serre les dents, lui offre mon regard le plus noir. Ce n'est pas compliqué, tu vas t'excuser tout de suite, et sans me faire répéter. Parce que tu vois, ce n'est pas ça, mon métier. Ma voix tombe dans les graves, gronde légèrement. Je sais que mes yeux luisent trop, prennent une autre teinte. Je n'arrive toutefois pas à m'en empêcher, me retiens déjà de lui sauter à la gorge. Et à celle de son ami. D'ailleurs, en parlant de lui... Je me retourne à demi, ayant entendu le malotru approcher. Reste à ta place, tu veux ?

Il résiste évidement, esquisse un geste dans ma direction. j'intercepte son bras, ne parviens pas à m'empêcher de serrer. Mon verre se vide contre son visage - je peine à ne pas le laisser partir avec. Je finis par le lâcher et, me ré-intéressant à ma principale victime, j'ajoute dans un souffle :

- J'attend.

C'est peut-être puéril, mais s'il y a une chose que je n'ai jamais été, c'est bien une prostituée. On ne me paye pas. Jamais. Je repense à Ariane et je regrette de ne pas lui avoir brisé le poignet, à cet abruti. L'homme alcoolisé semble commencer à redescendre, ne rit plus. Moi non plus. J'apprécie ma maîtrise de moi-même, la façon dont mes gestes sont précis, dont mon corps ne trahit rien de l'alcool ingéré. Ce qui est bien sûr loin de suffir à calmer ma colère, ma rage. La faim, mes sentiments de la journée me retombent dessus et je n'ai qu'une envie, vraiment, et c'est lui lui en foutre une. Ou plusieurs. De lui abîmer sa petite bouille, de lui déchirer ses putains de lèvres, pour avoir osé m'insulter. Que croit-il savoir, sur moi ? Il n'a même pas mon nom, rien. Et je pourrai le tuer sans mal. Les possibilités se jouent dans ma tête. Quelques secondes, rien de plus. Même pas besoin de changer. Quoique. La possibilité est alléchante, j'imagine une tout autre soirée, une véritable chasse. Avant de redescendre sur terre. Je le fixe dans les yeux, immobile. Des mots peuvent suffir. Je me contenterais tout aussi bien de le mettre à terre, de l'abîmer un peu. A lui de choisir, tiens.

Retrouvailles autour d'un verre.

Ft Bélial et Alexandre Hawthorn.

Il y a du fauve dans mes mouvements, dans ma façon d'attendre un signe pour bondir à la gorge de ma proie. Mes muscles sont tendus, je suis figée, offrant un regard peu amène à l'homme qui a eu le malheur de m'insulter. Ce n'est définitivement pas de cette façon que je vais me détendre, pas non plus comme ça que j'imaginais mon temps libre. Les mains sur les hanches, je me contrefiche de la scène que je suis en train de faire, des regards que je peux susciter. L'affront doit être lavé, d'une façon ou d'une autre. Je contrains ma respiration, cherche à la normaliser. Ce n'est pas la chose la plus aisée qui soit, pas quand je vois rouge. Mon sang me martèle les tempes et je rêve de planter mes crocs dans de la chair, quelle qu'elle soit. Je vois bien que mon interlocuteur est surpris, ne comprends pas ce qui lui arrive. Gêné, son malaise enfle, un peu de peur, même ? Oui, c'est bien ça. Son parfum me titille la langue, n'améliore pas mon état. La façon dont il est déstabilisé est une insulte en soi, que je m'efforce de la laisser couler. Célibataire endurci, à n'en point douter. Une vie sociale peu active, simple à manipuler ou à contraindre. Assez peu de caractère. Ma description est peut-être teintée par le mépris, la colère qui m'habite. Elle se révèle toutefois assez triste pour que je desserre les poings. En vaut-il vraiment la peine ? Il me fait à présent pitié - pas tout à fait dans le bon sens du mot. Je me sens à nouveau observée, essaie de mettre de côté le sentiment, ce n'est clairement pas le moment. Mon dos me brûle, picote presque. Il y a quelque chose que je connais bien dans l'air - mais quoi ? Je reste interdite, attends des mots qui ne viennent pas - enfin, pas assez rapidement à mon goût.

- J-je suis désolé, je ne voulais pas vous importuner. Je… J'ai cru… Peu importe. Je suis navré.

Je retiens le grondement qui enfle dans ma gorge, maudis le manque de vrais repas, ces derniers temps. Voilà ce qui arrive quand on se met en colère rapidement, et qu'on travaille sans se soucier de ses besoins. Mon manque de discernement et de prévoyance me consterne un peu, ce qui m'aide à faire le vide, à maintenir le contrôle. Si l'homme qui me fait face vient d'éviter le recours aux mains, je ne suis pas du genre à pardonner aussi facilement, vis toujours aussi mal l'insulte, pas même voilée. Non mais. Il est maladroit, sa tentative d'explication donne envie de l'encastrer dans le mur, et encore, mais il s'excuse deux fois pour le prix d'une. C'est plus que je n'espérais. J'inspire, mon regard se fait mortellement désintéressé. Le message est pour moi clair : cet être n'existe plus à mes yeux, ne mérite pas la moindre considération. Le fumet d'une cigarette remonte à mes narines avant de le voir sortir de nul part ou presque. Un.. vieil ami, si la formule peut s'approcher de la vérité, vient de faire son apparition. J'hausse un timing, mi ennuyée mi impressionnée par ce timing des plus mauvais. Bélial.

- Théa ? Ce mec t’importune ?

Je ne suis pas certaine de mes sentiments concernant ce nouveau développement. Qu'est-ce qu'il fait dans la région ? Nous ne nous sommes pas vus depuis... une bonne année, je dirais. Peut-être moins. Je ne suis pas douée avec la temporalité. Il n'a pas changé d'un pouce - je n'ai pas besoin de détailler sa silhouette pour y retrouver une musculature que je sais entretenue, ses yeux gris trop clairs. Nous nous sommes quittés très bons amis. Une partie de moi ne peut pas s'empêcher d'être intéressée - je sais ce qu'il a a offrir, n'est pas non plus hostile à l'idée. Il m'a de plus tirée d'un mauvais pas, une fois. Pas que je ne lui ai pas, depuis le temps, rendue la pareille. Ce n'est certainement pas un bon samaritain, il a ses défauts, mais je lui connais des qualités. Bon, la subtilité n'en fait peut-être pas partie. Son entrée dramatique perturbe mon petit blond, qui se retourne, semble inquiet à l'idée d'une nouvelle altercation. Sauf que je n'ai pas besoin qu'on mène mes batailles. Pas contre un simple humain. Pas quand c'est mon honneur qui est en jeu. J'ai ma fierté. Une expression neutre sur le visage, les lèvres serrées, je l'accueille d'un signe de tête. Je n'apprécie pas que mon nom soit ainsi divulgué, offert aux vautours. Je me fais généralement appeler Maya, le soir. Une histoire d'habitude, un désir de rester distante, secrète. Il n'y a pas d'attachement possible quand on part sur ce genre de bases. Pas que j'ai besoin de rappels. Je soupire, toujours indécise sur le ton à adopter. Je ne sais pas ce qu'il me veut, dans l'immédiat, reste un peu sur mes gardes - je ne m'attendais pas à sa présence, ne vais tout de même pas lui sauter dans les bras. Certainement pas dans l'immédiat, en tout cas.

- Bélial.. Nous en avions fini.

Je ne peux pas m'empêcher d'appuyer sur son nom, me détourne du fonctionnaire, le dépasse en me retenant de lui donner un coup d'épaule - ce serait bas, même pour moi - et vient me planter devant le démon. La tête légèrement penchée sur le côté, je soutien son regard. Son odeur me titille l'odorat, me rappelle bons nombres de souvenirs, dont des images que je ne souhaiterais pas invoquer. Pas là. Je suis trop en colère pour ce genre de choses. C'est la faim qui m'anime, et pas de ce qu'il peut me proposer. C'est pourtant bien ce dont je me souviens principalement. J'ai rarement partagé la vie de quelqu'un de la sorte. Notre liaison s'est étirée, sans trop de fers, sans promesses ou engagements. Cette franchise m'avait plu, à l'époque. C'est toujours le cas. Le voilà, mon sentiment de déjà vu.

- Ca fait longtemps que tu traînes dans le coin ?

Mon ton se veut plus cordial que neutre. Ce n'est pas spécialement voulu - je suis frustrée, j'ai les crocs, la rage au ventre. Je me montre plus ferme avec moi-même, efface les signes de ma précédente colère, ce qui ne change toutefois pas grand chose à mon humeur. M'étant toujours montrée plus civile, davantage en contrôle, je n'aime pas l'idée d'en dévoiler trop, de mettre à jour certaines parts de moi. Je fais un signe au barman, déclare doucement :

- Ma tournée.

J'ai beau connaître nos instincts, l'avoir côtoyé et assumer mon caractère, il y a des limites que je n'aime pas franchir, des moments où ce que je possède d'humanité m'est précieux. C'est peut-être déjà trop le connaître de m'inquiéter de potentiels comportements à venir.

Retrouvailles autour d'un verre.

Ft Bélial et Alexandre Hawthorn.

Je m'efforce de me contrôler, régule ma respiration. La journée a décidément été bien trop longue - tout comme le temps écoulé depuis mon dernier repas. Avec l'enquête qui piétine et mes dernières mésaventures, j'ai les nerfs à vif. Je me concentre sur mon nouveau verre, m'empêche de le briser par inattention. Dire que je suis globalement hors de moi est un euphémisme de première classe. Je tâche de passer à autre chose, de ravaler ma saute d'humeur, sans trop de succès. Tout reporter sur l'homme en face de moi ne me paraît pas une bonne idée - je ne sais même pas si j'en serai capable, sans bonne raison. Aboyer sur les autres n'est pas tout à fait mon truc. Pas sur des amis, en tout cas. Je soupire, me passe les mains sur les tempes, les masse.

- Ca fait quelques mois déjà. Je suis surpris de te voir et content quand même, je ne connais presque personne ici, ça fait du bien de voir une tête que je connais déjà.

Je note l'information, hoche la tête. Je n'aurai jamais parié sur la région. Après tout, nous nous étions rencontrés et vus dans un tout autre coin. Sa vue est décidément une surprise - bonne ? Je n'en suis pas encore sûre. On ne sait jamais.. Quand bien même, dans l'immédiat, je ne suis pas malheureuse de le voir. Fâchée de ne pas avoir fait le lien plus tôt, peut-être, ou encore embêtée qu'il ai assisté à mon esclandre, oui. Mais ces sentiments passeront. Ce n'est qu'une question de temps. La lune y est peut-être pour quelque chose - je suis généralement plus agressive et fatiguée quand les quartiers s'arrondissent. Enfin... Je porte ma boisson à mes lèvres, me détend légèrement sous son influence. C'est loin d'être mon premier verre de la soirée, même s'il me semble, étrangement, que c'est bien le cas. J'en cherche la raison, imagine que trouver un ami avec qui le boire vaut mieux qu'une bande d'inconnus coincés et présomptueux. Je déglutie difficilement, cache à grand peine un tressaillement. Ces enflures... Je noies leur souvenir d'une autre gorgée, suis ramenée à la réalité par mon nouveau - ancien ? - compagnon de boisson.

- Je sens que tu veux te défouler, un combat ça t’irait ? Ou alors aller te défouler dans les bois ? Si je peux t’aider d’une quelconque façon, dis le moi.

Je croise son regard, reste un instant pensive. J'apprécie sa proposition. Je ne peux pas retenir un haussement de sourcil à nous imaginer nous battre. L'établissement ne s'en remettrait pas, tout comme nos réputations. L'idée de s'éloigner de la ville pour rejoindre les bois m'est particulièrement tentante. Je ne me souvenais de tant de prévenance, suis incapable de dire s'il s'agit d'un récent développement ou d'une continuité de notre relation. Dans l'instant, une part de moi recherche de la complicité, un lien plus profond, une véritable connexion. Ce que les aventures d'un soir n'apportent pas. Je me tâte, vide mon verre en se faisant. Mon indécision ne dure pas. Au diable que sais-je; mon temps libre est fait pour m'amuser. Et je compte bien laisser derrière cette journée, somme toute médiocre. Avec quelques points positifs, oui, certainement. Je connais leur existence, ne vais pas jusqu'à les ignorer, mais, là, tout de suite, j'ai bien du mal à les trouver. Dans un sourire, je lui réponds ;

- Allons nous promener en forêt.. J'ai une faim de loup.

Ma touche d'humour, si piètre soit-elle, me met véritablement d'excellente humeur, alors pourquoi s'en priver ? Retrouver le couvert des arbres de nuit, changer de peau, voilà qui me donne envie. Ma peau picote presque par anticipation et je sens que la nuit sera mémorable.