Johann lève les yeux au ciel. Et d'un coup rapide, précis... Il assomme la sorcière. Aurore laisse échapper un petit cri de surprise. Le corps de son amie tombe dans les bras du Loup. Elle s'apprête à répliquer, son nez se fronçant sous l'animosité comme celui d'un loup l'aurait fait, sans pour autant qu'elle retrousse les lèvres, mais déjà, hissant la jeune femme sur son épaule, Johann répliquait :  

Elle s'apprête à répliquer, un grondement au fond de la gorge, mais déjà il se détourne, n'attendant aucune réponse pour s'éloigner au pas de course. Elle n'en croit d'abord pas ses yeux et, surprise, il lui faut une seconde pour se mettre en mouvement. Elle s'élance sur ses traces, la colère tapie au fond de la gorge. Cependant, elle se garde bien de répondre quoi que ce soit. Ses menaces étaient toujours valables, et il devrait s'en souvenir, mais si elle se prenait à répondre, il allait encore l'exaspérer, et vu son humeur de chien, elle risque bien de le lui faire regretter. Foudre préféra donc garder le silence, préférant ne pas créer un scandale au milieu de la rue, surtout avec Odalys inconsciente et la scène typique de kidnapping rocambolesque.

Ils rejoignent une espèce d'entrepôt, un endroit reclus que personne ne semblait avoir visité depuis plus de deux semaines... Ou deux mois. L'odeur désagréable du renfermé et de la pourriture se mêlaient dans l'espèce de petite maisonnette en bois humide. Rien d'agréable, quoi. La lumière qui filtrait à travers une fenêtre crasseuse rendait la pièce sombre et oppressante. Aurore n'aimait pas vraiment cet endroit. Mais elle ne fit aucun commentaire.

Johann fit craquer sa nuque et ses mains, lorsqu'il entra. Il dégote une chaise sous l'oeil vigilant de la Louve. Qu'il n'essaie même pas de lever la main sur Odalys, celui-là ! Il installe la sorcière sur la chaise, avant de tendre la main vers Aurore :

Elle n'apprécie pas son ton. Un peu plus et elle ne lui aurait pas donné. Juste pour l'embêter. Le faire rager. Mais ce n'est pas une bonne idée. De peur qu'il s'en prenne ensuite à Odalys par sa faute à elle. Alors elle lui donne. Il les fourre dans la bouche de la sorcière et bouge ses mâchoires de sorte à la faire mâcher. Et d'un seau d'eau soigneusement préparé, il réveille la sorcière en sursaut. Sursaut qui la force à avaler les feuilles. Aurore observe sans un mot, un peu en retrait. En silence elle se haït. Elle a donné l'opportunité à Johann de faire tout ça. Sans elle, son amie n'aurait pas eu de problème. Elle reste donc près d'un mur, les bras croisés, à moitié plongé dans l'obscurité.

Aurore fronce le nez. Elle n'aime pas son attitude. Malgré tout, elle se garde bien de répliquer. Odalys, un peu perdue, regarde autour d'elle, anxieuse. Leurs regards se croisent. L'espace d'une seconde, une étincelle désolée brille dans les yeux bleus. La seconde d'après, c'est un regard impassible qu'elle offre à la sorcière. Éternels masques.

Johann s'approche de la chaise. Il s'appuie sur les accoudoirs et approche son visage de celui de la sorcière. Odalys se tasse sur sa chaise. Elle a parfois un peu de mal avec la proximité. Et ces circonstances n'arrangeaient rien.

Les yeux verts s'écarquillent de stupeur. Elle s'empresse de répondre, légèrement paniquée :

Elle a l'air sincère. Aurore l'aurait remarqué si son amie mentait. Mais quelque chose cloche. Quelque chose sonne faux. La Louve n'intervient pas. Peut-être que Johann tombera dans le panneau. Il ne la connaît pas aussi bien qu'Aurore la connaît, après tout.

Aux paroles de la sorcière, Johann ricane. Cette fois, Aurore plisse les yeux. Quelque chose la dérangeait dans ce rire. Quelque chose la dérangeait dans cette atmosphère. Elle se méfie.

Tout à coup, un cri s'étrangle dans la gorge d'Odalys. Aurore ne pouvait en voir la raison, mais elle se redresse légèrement. Johann sort un poignard de sa poche. L'appuie contre la gorge d'Odalys. Aussitôt, les muscles de la Louve se tendent.

La voix menaçante de la Louve s'élève. Elle ne vise qu'à lui rappeler ses précédentes menaces. Elle a fait un pas en avant, décroisé les bras. Elle interviendrait s'il insistait. Odalys l'a bien compris, alors elle se permet de garder le silence. Presque soulagée de voir qu'Aurore la protégerait encore. Mais elle ne fait pas la fière pour autant, déglutit difficilement contre le contact froid de la lame.

Johann se tourne dans la direction de la Louve. Un étrange sourire aux lèvres, il répond sarcastique :

Il se lèche les lèvres, avide de connaissance. Aurore, quant à elle, cille à peine. Il n'a aucune chance de découvrir l'existence de Lanawyn. Aucune. Et quel autre secret vaudrait la peine d'être gardé ? Elle n'en voit pas. Alors elle se contente d'un air impassible. Fermé. Le sourire du Loup s'élargit. Sa main appuie sur le poignard. Le sang perle. Les muscles de la Louve se raidissent.

Ça, elle le sait. Mais il n'oserait quand même pas la tuer... Si ? Elle l'a prévenu. S'il lui fait du mal, elle le tuerait. Elle en est capable. Loup Firosia ou pas. Il accentue la pression sur la gorge de la sorcière. Un filet de sang souille la peau immaculée de sa gorge. Un gémissement lui échappe. Aurore soutient le regard de son congénère.

Sa voix est ferme. Sans appel. Mais elle essaie elle-même de s'en convaincre. Au fond, elle sait qu'il n'hésiterait pas. Que la vie ne représente rien pour lui. Qu'elle-même ne représente rien pour lui. Qu'il s'en fiche, si elle le hait. Qu'il s'en fiche si elle l'attaque. Il n'a pas peur de mourir. Il n'a même pas peur de ne pas faire le poids face à elle. Il la sous-estime.

Johann se tourne un peu plus vers Aurore, se lèche les lèvres. De sa main libre, à moitié transformée, il effleure la gorge d'Odalys, récupère du sang qu'il porte à ses lèvres. Leurs regards s'affrontent. Dès que le sang de son amie effleure les lèvres du Loup, le nez de Foudre se retrousse comme l'aurait fait celui d'un loup. Un grondement se tapit dans sa gorge.

Ça lui plairait, hein ? Qu'elle se jette sur lui ? Les yeux de l'Alpha flamboient d'un bleu glacé. Le couteau s'enfonce dans la chair. Les griffes raclent le sol en bois quand la Louve s'élance, transformée en un éclair, en un battement de paupière, à peine. Elle s'élance de toute sa vitesse, et ce n'est pas peu dire. D'un bond, elle se jette sur lui, déviant le couteau de la gorge de son amie d'un coup de patte précis. Ses crocs s'enfoncent dans l'épaule. Le sang éclabousse ses babines. Il n'avait aucune chance de l'éviter. Elle était née pour être rapide. Même si elle n'avait pas l'effet de surprise, il n'avait pas eu le temps de réagir. Les griffes raclent le torse tandis qu'elle se jette au sol et prend sa forme humaine pour s'interposer entre Odalys et lui. Alors que Johann s'apprêtait à répliquer, Odalys s'écrie :

Aurore ne cille pas. Ne s'écarte pas. Elle soutient le regard de Johann sans bouger.

Odalys semble aviser le poignard que Johann n'a pas lâché, et elle ajoute d'une petite voix anxieuse :

Aurore lui jette un regard par dessus son épaule, juste du coin de l'oeil. D'une part elle la remerciait. De l'autre elle l'informait sans que Johann puisse le déceler. Et d'un bond, elle se jette sur Johann, attrape le poignet à moitié métamorphosé et pousse le Loup contre le mur pour le bloquer. Dans le même mouvement, Odalys se lève et s'élance vers la porte.

Johann se dégage d'un coup sec. Un coup dans le ventre coupe le souffle de la Louve. Elle se plie en deux, crachant, toussant. Alors qu'elle se redresse, elle voit le couteau quitter la main. Elle le voit s'élancer dans la direction de son amie. Sa bouche s'ouvre sur un cri silencieux. Le corps de son amie s'affaisse. Aurore tousse, trébuche légèrement en tentant de s'approcher de Johann qui retirait sa chemise. La colère la gagne. La colère mêlée de tristesse. Il la lui lança dessus. Rageuse, elle l'attrape et la jette au sol, cherchant son souffle. Des sanglots silencieux et un souffle saccadé par un coeur emballé n'arrangent rien à la situation. Une larme perle sur sa joue.

L'unique réponse est un grondement. Il se dirige vers la porte. Les yeux de la Louve tombent sur Odalys. Elle perd son souffle. Même si elle l'a retrouvé, elle le perd devant cette mort.

Cette fois, la Louve réagit au quart de tour. Folle de colère et de douleur mêlées, elle s'élance dans un terrible grondement, changée en un millième de seconde. Elle lui saute dessus. On n'a jamais vu pareille furie. Cette fois, Aurore attaquait pour faire mal. Ses crocs se plongent dans la chair, déchirent les muscles et les ligaments. Ses griffes raclent la peau, labourent ses côtes tandis qu'elle tente de l'égorger. N'y parvenant pas, elle bondit au sol et change d'angle, évitant une éventuelle représailles par la même occasion avant de s'élancer à nouveau. Ses mâchoires claquent, se referment sur une jambe. Elle tire dessus de toute ses force, secouant sa proie en tout sens comme si elle avait voulu le déplumer. La chair se déchire sous ses crocs. Elle tente de le faire tomber. Cette fois, Aurore se bat pour faire mal. Pas pour le prévenir. Et ça la rend d'autant plus dangereuse. Il allait regretter son acte.

Les blessures qu'infligeaient Aurore se refermaient rapidement, c'était frustrant. Elle l'attaquait avec plus de hargne encore, et pourtant, elle semblait à peine l'amocher. Un coup de pied atteint le museau de la Louve. Elle recule vivement, grondant. Le sourire amusé de Johann la met encore plus en colère.

En une seconde, Johann se transforme. Aurore ne cille même pas. Même lorsqu'elle croise des yeux rouge sang. Elle n'est plus raisonnable, à cet instant. Elle ne percute même pas que quelque chose cloche. Il feinte, les crocs d'Aurore claquent à quelques millimètres de sa joue, mais il est plus rapide, sur ce coup. Les dents se referment sur le cou de la Louve. Aurore gronde, tente de se dégager. Il serre les dents. Le sang coule. Leurs regards se croisent, mais la Louve est bien trop déterminée pour renoncer pour si peu. Poussant sa gorge contre la gueule du loup pour l'étouffer ou provoquer un réflexe de vomissement à la rigueur, elle l'oblige à la lâcher, n'y laissant que quelques poils et pas mal de sang. Elle recule vivement pour reprendre son souffle une seconde avant de s'élancer. À son tour, elle feinte. Elle s'élance sur son flanc droit mais au dernier instant, elle bondit sur la gauche et l'attaque au poitrail. Ses dents éraflent la chair et déjà, elle s'enlève pour éviter des représailles. Elle bondit sur le côté et l'attaque, ses dents se referment sur une patte avant, pile sur l'articulation. Elle mord de toutes ses forces. Pas assez pour briser l'os, mais assez pour lui faire comprendre sa douleur. Hélas, à cet instant précis, sa croupe se retrouve exposée. Il pourrait la tuer d'un coup de croc en brisant la colonne vertébrale. Ou au moins la paralyser à vie. Mais la colère la rend imprudente. Tout ce qu'elle veut c'est lui faire mal. Aussi mal qu'il a osé lui faire en tuant son amie. Alors elle ne se rend pas compte du danger, occupée à tenter de l'handicaper en amochant l'articulation.

Une seconde, leurs regards se croisent tandis qu'elle s'en prend à l'articulation du Loup. Une seconde de trop. Pourquoi prenait-il le temps de la regarder ? Pourquoi se laisse-t-il faire ? Un grondement répond à ses questions silencieuses. Les crocs s'enfoncent dans le flanc de la Louve. Ils fouillent sa chair. Elle gronde de douleur, lâche la patte et tente d'atteindre sa joue ou son cou en se pliant en deux pour mettre son flanc hors d'atteinte mais déjà les crocs la lâchent et se jettent à l'assaut de sa cuisse. Aurore gronde à nouveau. Son flanc la lance. Elle ne cicatrise pas aussi vite que Johann. La douleur la ramène doucement à la réalité. La peur la saisit doucement. Ses crocs claquent près de l'oreille du mâle, mais elle ne parvient pas à l'atteindre, tentant de se soustraire à ses crocs. Elle tente une deuxième fois de l'atteindre, et cette fois, les dents se referment sur son museau. Elle gémit, tente de s'arracher à ses dents, mais déjà il recule en boitant légèrement. Cette fois Aurore le fixe, incertaine. La colère y brille encore, flamboyante, fulgurante, mais une certaine peur aussi. Il aurait pu la tuer. Elle est faible. Terriblement faible. Le sang colle son pelage contre son corps. Goutte sur le sol. Un instant, ses yeux se posent sur le corps d'Odalys. La colère la fait gronder. Elle le tue du regard, les membres tremblant de haine et de sa voix la plus haineuse, elle lui lance :

La colère, la haine et l'animosité sont palpables. Elle fait volte-face. Ses griffes crissent sur le sol en bois. Elle s'élance vers la porte, bondis au-dessus du corps de son amie et s'enfuit. Elle reviendrait la chercher s'il ne s'en occupe pas. Mais pour l'instant elle préfère s'en aller. Des cris de surprise résonnent dans la rue sur le passage de la Louve. Elle s'en fiche. Ô combien elle s'en fiche. Envoyez donc tous les chasseurs du monde, elle n'en a rien à faire.