Je ne sais quel est ce sentiment qui m'anime, tâche de ne pas m'effrayer de la violence de mes émotions, des impulsions qui me parcourent. Je me découvre une audace qui me plaît, sens l'homme avec lequel je me permets toutes ces familiarités frissonner sous mes mains. Un sourire satisfait étire mes lèvres et je profite de mon triomphe - passager, cela dit. Il reprend les rênes, monte les enchères d'un cran. Lentement, il s'approche de ma gorge que sa main orne toujours, et ses lèvres une nouvelle fois l'effleurent. C'est à mon tour de soupirer, frissonner et perdre le fil de ma respiration tout en même temps. Il n'a besoin que d'un regard, d'une esquisse de caresse pour me faire frémir, connait, déjà, trop bien mes réactions. Les yeux clos, je le sens qui remonte, vient me murmurer à l'oreille.

- Des choses comme... ceci...Ou ceci... Ou encore, ceci...

Il se fait plus franc et trace de ses lèvres des sillons de feu sur ma peau. Je respire lentement, tâche de maîtriser mon rythme cardiaque, n'y parvient qu'à demi. Il embrasse finalement un point qui se met à pulser jusque dans ma gorge et, le cœur qui me martèle les oreilles, je suis à sa merci, toute à lui, le souffle laborieux, haché, et des palpitements plein le ventre. Il ponctue ses mots d'action, joue avec ma peau, la mordille, l'effleure d'une canine - si lentement que l'attente se fait douloureuse. Ses contacts sont de feu et de glace, me tuent à petit feu et me font revivre. Son sourire contre mon cou, je décide qu'il n'y a pas meilleure sentiment ou sensation, laisse un sourire étirer mes lèvres. Les livres sont bels et bien oubliés, tout comme le reste. Comme toujours, en sa présence, rien ne fait le poids, rien n'a son visage, ses yeux et ses mains, ne sait me captiver comme il le fait. Finalement, sa main quitte mon cou et, comme sa sœur, passe le long de mon corps. Les poings crispés contre le tissu de son veston, je retiens une inspiration sifflante, ai la tête qui tourne. Et ses attentions disparaissent aussi vite qu'elles se sont manifestées, l'absence me prenant de court, j'ouvre les yeux, rencontre un regard malicieux.

- Mais je peux aussi me montrer bien plus vilain.

Il me soulève de terre, comme plus tôt dans la journée, me passe cette fois par dessus son épaule et je lâche un petit cri d'indignation et de surprise, sourit en l'entendant rire. Il s'empare de ma pile de livres et je ne peux m'empêcher de secouer la tête, amusée. La scène est incroyable, risible et belle à la fois. L'atmosphère se détend un instant, et le monde passe trop vite pour que je puisse faire le point. Il monte rapidement un escalier, et bientôt me voilà qui retombe sur un matelas. Mes mains retrouvent des draps de satin, je glisse légèrement, le dos contre le lit. Il se penche à son tour et l'air me manque. Les yeux légèrement dilatés, je cherche mon souffle, le regarde sans pouvoir rien dire. Je m'humecte les lèvres et, négligemment, passe ma main dans ses cheveux, la laisse redescendre le long de sa joue. Je lui offre un sourire sincère, amusé mais aussi lumineux, ne parvient pas à croire que la vue qui m'est proposée est bien réelle. Damon est penché vers moi, les bras de part et d'autre de ma tête ou presque, sur le matelas. A genoux sur le parquet, je n'ai d'yeux que pour lui, n'ai conscience de rien d'autre que de son regard dans le mien, de ma peau contre la sienne. Quelle bien dangereuse expérience, vraiment, que d'être dans ses bras - je me fais avide de lui, de son attention, de ce qu'il me propose. Je me redresse légèrement d'un mouvement du coude, pique sa gorge de baisers, une main toujours sur sa joue.

Mes lèvres se posent doucement contre sa gorge, créent une constellation invisible. Sa réaction ne se fait pas attendre - son cou se rapproche, s'offre sans hésitation. Un sourire m'échappe, je poursuis sur ma lancée, laissant finalement mes lèvres s'attarder. Un soupire lui échappe je me sens bien, suis fascinée par les réactions que nous nous provoquons. Damon finit par se libérer, doucement, inverse presque les rôles ; c'est ses lèvres qui sont à présent proches de ma peau, il murmure :

- Ce n'est pas du jeu, Amanda. Comment je suis censé être vilain, maintenant ?

Je penche légèrement la tête sur le côté, lui offre un grand sourire. Qui a dit que l'un pouvait empêcher l'autre ? Il n'est toutefois pas à court d'idées, reprend ses précédentes attentions. Je frémis sous ses les assauts de ses lèvres et de ses dents, le souffle progressivement perdu, oublié. Mes mains retrouvent leurs mobilités, je ne peux rester tout à fait immobile - elles se perdent dans ses cheveux, le maintiennent contre moi. Une main glisse dans sa nuque, le serre davantage, mes doigts explorant la texture de sa peau. Sa bouche regagne ma clavicule mon cœur bat plus fort, me coupe au reste du monde. Une de ses mains cesse de m'encadre pour m'effleurer, me caresser - elle suit le chemin emprunté par les lèvres, glisse le long de ma gorge, continue un peu ; suspend son geste au niveau de mon décolleté. Je cesse de respirer tout à fait, le sang aux joues. Elle suit finalement un autre route, regagne ma hanche. Mon rythme cardiaque s'emballe, mon ventre fait des siennes mes joues sont brûlantes. Je ferme les yeux, me laisse porter par les battements erratiques de mon cœur, ai l'impression de courir un marathon - en bien plus agréable, en bien plus frustrant. Je ne parviens plus à suivre ses mouvements, me noie dans la sensation. Je sourie sous les baisers qu'il laisse contre mon cou, frémis sous ses doigts. Un gémissement m'échappe quand ses dents s'attaquent à mon oreille - le bruit me surprend, j'ouvre les yeux, reste un instant interdite, avant de l'oublier, le bruissement de ses lèvres m'intéressant bien plus. J'ai du mal à contrôler ma respiration, je frémis contre lui, les bras autour de son cou. Mes genoux commencent à être douloureux, je n'en ai rien à faire. Contre lui, rien n'a plus d'importance - hormis ce qu'il me fait. Ses mains s'égarent sur mes épaules, dans mon dos.. rencontrent les lacets de mon corset. Les effleurent - mon souffle se fait rare, je suis tétanisée à l'idée qu'il tire assez fort.. N'attends pourtant que ça. La tête me tourne, il fait chaud, bien trop chaud, j'ai les idées confuses et rien qu'une envie... Il m'attire à lui, nos corps ne s'effleurent plus et se rencontrent. Je n'ai nul part où aller, prisonnière volontaire de la situation, de ses bras. Je me mords les lèvres - essaie de dissiper le brouillard dans lequel je me trouve. Tout va vite, peut-être pas assez. Il retrouve mon cou sans lâcher mon laçage.. Je n'ai jamais autant rougit, autant appréhendé. Autant voulut quelque chose. La gorge sèche, je tremble sous ses attentions, décolle légèrement mon dos du côté du lit. Le souffle court, j'ouvre les yeux. La vue qu'il m'offre me fait peut-être rougir davantage. Ma poitrine suit mes mouvements cardiaques, il insiste un peu plus contre ma peau et je serre les dents pour retenir les bruits qui menacent de m'échapper. Ma main retrouve les siennes dans mon dos, tire sur le laçage, le rendant plus lâche. J'ai l'impression de pouvoir à nouveau respirer, ne parviens pas à appréhender la situation dans son entièreté. C'est pourtant mes bras qui le retiennent, moi qui prend son visage à deux mains pour déposer un baiser sur le coin de ses lèvres. Mon cœur bat à tout rompre, mes yeux croisent les siens.

Il y a une tension dans l'air, un je ne sais quoi de chaud et d'électrique. Mes yeux ne quittent pas les siens, nous nous fixons un instant - il y a comme une vie de non-dits, nos regards s'accrochent, se fondent et communiquent des sentiments que je ne décrypte pas tout à fait. Mon souffle est lent, court. Puis ses yeux se rapprochent et sa bouche fait de même. Lentement. J'ai le temps de mourir un peu, mes yeux papillonnent et mon cœur me lâche. Ses lèvres rencontrent les miennes et je frémis, mes mains le maintenant contre moi, posées au niveau de sa nuque. J'ai des papillons pleins le ventre, ne pense plus à seulement respirer - n'est pas sûre de savoir comment. Son contact est doux, s'accommode à mon rythme. Progressivement, il reprend son exploration et je sens ses mains contre moi, dans mes cheveux - cela pourrait être de trop j'en redemande pourtant, plaque avec avidité mes lèvres contre les siennes. Les yeux fermés, je laisse mes mains jouer entre ses cheveux et sa nuque. Nous nous collons davantage l'un à l'autre, presque à nous fondre. Je me rends bien compte qu'il ne nous est pas possible d'être plus proches ; je m'y essaie pourtant avec application. Nos lèvres se décollent finalement - je me rends compte que la tête me tournait, inspire longuement, le souffle hiératique. J'ai l'impression d'avoir les lèvres gonflées, qu'elles picotent sous l'absence des siennes - ressent presque cruellement leur séparation. Damon se redresse légèrement, ses yeux bleus ne me quittent pas, accompagnent la longue descente de ses mains contre mes courbes. C'est plus que de la malice que je devine dans ses yeux bleus - un sourire du même acabit s'épanouit sur mes lèvres. Je frissonne sous ses caresses. Là, il nous redresse tout deux. Je le dévisage, le contemple de près, ne perd pas de temps à admirer le décor - je le ferai plus tard, ai pour l'heure bien d'autres projets en tête. Mon regard se détache du sien pour glisser jusqu'à ses lèvres et il m'embrasse à nouveau. J'ai l'impression de revivre contre sa peau, ses mains s'aventurant dans mon dos, effleurant ma nuque. Je soupire contre sa bouche, ne retiens pas un sourire, lui rend son baiser. Il me fait reculer sans nous détacher et le creux de mon genou bute légèrement contre le lit, que j'avais momentanément oublié. Une de ses mains retrouve ma nuque - il me guide jusqu'au matelas, m'y allonge en douceur. Nos lèvres restent scellés, je passe une main sur sa joue tandis qu'il me rejoint pour de bon, me surplombe.
Notre baiser s'achève à nouveau, il ne rend cependant pas les armes et m'harcèle de petits baisers, m'arrache des respirations plus haletantes. Sa bouche se fait plus insistante, il embrasse véritablement ma gorge - mon souffle est saccadé, je n'entends que mon cœur qui bat et de légers bruits de sussions qui me rendent folle. Je suis ivre de ses lèvres, les réclameraient presque, si elles n'étaient pas si bien utilisées. Je ferme les yeux sous ses attentions, tâche de réapprendre à respirer. Le corset desserré, mon thorax suit le rythme fou de ma respiration - frémit avec le reste de mon corps sous les assauts répétés de ses canines. Je suis devenue incroyablement sensible à ses mordillements, reconnais dans la seconde le mouvement de sa bouche, sais ce qu'il recherche. Je lui abandonne mon cou sans tarder, le libère un instant pour pousser mes cheveux, mon autre main l'encourageant d'un petit mouvement au niveau de sa nuque. Je ferme les yeux, me mordille la lèvre, mon cœur s'emballant au souvenir d'un autre jour. Si j'ai eu dans l'idée de le pousser à vocaliser sa demande, la chose est oubliée sous ses caresses, sous son corps si proche du mien - contre moi sans m'écraser. Consciente de chaque couche qui nous sépare ou de leur absence, je m'attaque une fois de plus à son veston, ai dans l'idée de l'en débarrasser, de l'effleurer du bout des doigts. Ma main se perd dans ses cheveux, les froisse et frôle son cuir chevelu. Rien que l'idée de mon sang dans sa gorge et je ferme les yeux, passe ma langue sur mes lèvres, ne trouvant rien à lui refuser, m'abandonnant dans ses bras, le plus délicieux des refuges.

Mon souffle se coupe brusquement sous l'assaut de ses canines, je m'interroge en ne sentant pas la morsure que j'attends. Ses caresses se font plus audacieuses, plus insistantes. Je n'ai aucun mal à en sentir les nuances et les effets, à travers le tissu. De la hanche il passe à ma cuisse - je frémis, me mords la lèvre sous les baisers et mordillements qu'il inflige à ma peau. La sensation est agréable, se combine parfaitement avec le reste de ses attentions. Mon ventre se soulève et s'abaisse, me joue des tours - les papillons sont remplacés par une espèce de pression, un mouvement océanique que je ne comprends pas, qui me fait tourner la tête. J'en veux toutefois plus, brûle d'en découvrir davantage - m’exécute à demi en achevant d'ouvrir les boutons de son veston. Les mains à plats sur son torse, que je devine sous sa chemise, je m'amuse a en cartographier les détails et aspérités, apprécie cette liberté que je m'octroie et à laquelle il ne trouve rien à redire. Je me fige en sentant sa peau directement contre la mienne, sent ma jupe qui remonte. L'air me semble plus frais contre ma peau brûlante, j'expire lentement, tâche de me détendre. Ce qui n'est pas simple - j'ai comme une alarme dans ma tête, une voix qui me dit de tout arrêter, qu'il ne faut pas - et les fourmillements que me procurent ses caresses. Ses lèvres en profitent pour descendre, et je ferme les yeux, la tête en arrière, contre le matelas. Mon rythme cardiaque s'emballe, les joues rouges, je profite des sensations, m'oblige à ouvrir les yeux, me redresse très légèrement, pour garder en moi le souvenir de sa bouche si proche de mon décolleté, en rougie davantage. La décence n'est plus dans la pièce - je ferme bien la porte derrière, lui souhaite bon voyage, me relaisse tomber en arrière. L'effort est plus conséquent que prévu, je n'ai qu'une envie, me laisser aller. Il me dévore presque la gorge, ne va toutefois pas dans la direction indiquée, me laisse attendre. Ses mains se montrent plus fermes, s'emparent de ma jambe, la soulèvent - et sa bouche me quitte, se dépose.. sur ma cuisse. J'en soupire et gémis presque en même temps, ne parviens pas à assimiler tout ce qui est en train de se passer, le regarde faire, fébrile.
Mes vêtements remontent, une partie de moi est mal à l'aise, voudrait couvrir davantage mes jambes, l'autre n'en a rien à faire. Ses doigts caressent l'extérieur de ma cuisse, sa bouche repose  sur la partie intérieure, près de mon genou. J'en perd le souffle, le laisse faire, plie volontairement ma jambe, maintient la position. Je sais que je ne suis pas sensée m'adonner sur ses terrains, ne peut décemment pas m'y extraire. Pas quand l'idée m'est douloureuse. Il sourit contre ma peau - l'embrasse tendrement, y met les dents. Ses canines transpercent la peau et je lâche une petite exclamation, entre la douleur et le plaisir. Damon se rapproche de moi sans se séparer de ma jambe, mes mains savent retrouver ses cheveux, ne cherchent plus à se contrôler. C'est à la chemise qu'elles s'attaquent. Il me faut plus, de la peau, quelque chose. La vue qu'il m'offre réveille tout en moi, fait battre mon cœur plus fort. Les yeux légèrement dilatés, je respire plus bruyamment, passe ma langue sur mes lèvres. Il y a quelque chose de définitivement lascif dans mon abandon.. d'érotique dans notre situation. Je découvre une définition parfaite au mot, l'ajoute à mon vocabulaire. Je brûle de le toucher, de l'embrasser à nouveau, lutte contre les boutons de son vêtement, en viens finalement à bout - jusqu'à la moitié du torse environ, n'a pas la patience de faire plus. Mes mains glissent sous le tissu, touchent véritablement, enfin, sa peau. Je m'en donne à cœur joie, ne lui laisse aucun répit. Sa langue rejoins régulièrement la partie, je m'enfonce dans le matelas, le cœur au bord des lèvres. Il y a quelque chose de changé, quelque chose de plus - je suis dans le brouillard, ai l'impression que mon ventre se contracte. Ma respiration est laborieuse, bruyante, même. Je ne peux pas m'empêcher de me mordre les lèvres, essaie en vain de retenir des bruits, le rythme cardiaque augmentant toujours. J'ai aussi conscience de trembler, n'a jamais ressenti quoi que ce soit d'aussi fort. Je ne suis plus maîtresse de mon corps, me retiens de m'agiter sous lui, agrippe sans m'en rendre compte les draps, une main contre ses côtes. J'ai l'impression de sombrer, de me noyer et en même temps de me découvrir des ailes, la partir inférieure de mon ventre réapprenant la gravité, et bien d'autres choses. Je soupire, sens mon sang qui pulse dans ma cuisse, ma respiration se bloquant tandis que je subis son exquise torture.

Je perds toujours plus mon souffle, me perds moi-même, ai l'impression de tomber, encore et toujours, le contact de sa peau m'ancrant et me faisant décoller à la fois. Je ne parviens clairement pas à rester de marbre face à lui, ne sais pas si je dois en être gênée ou non. Le sourire que je crois détecter contre ma peau me rassure quelque peu, je lâche légèrement la bride, me laisse aller sur le matelas. Damon a bien sûr relevé mes réactions, s'amuse d'un point sensible ; sa langue se fait plus présente, m'arrache des appréciations. Je l'effleure sans vergogne, frémis sous les assauts de sa bouche. Déglutie devant le spectacle qu'il m'offre. La vue fait battre mon cœur plus fort, mes joues en brûlent, et je fais de même, étouffe sous une température à peine tenable. Je commence à reconnaître les signes ; il se fait moins vorace, aspire moins de sang. La tête me tourne légèrement, si j'ai toujours des palpitations, elles se font un peu moins vives et j'attribue volontiers mon état actuel a une faiblesse passagère. Il se décolle finalement de moi, les lèvres légèrement rougies. Il abandonne ma jambe et me retrouve - il y a quelque chose de félin dans sa gestuelle, de prédateur même et je frémis sous lui, l’accueille d'un baiser. Ses lèvres prennent les miennes en otage, les titillent et les pincent, et nous roulons - suffisamment pour que les rôles soient inversés. J'aime cette sensation, sens l'adrénaline qui m'inonde. Je me mords la lèvre, me perds un instant dans ses yeux, profite de l'avoir là, à portée de main, immobile sous moi. Avec un sourire en coin, je remet une de ses mèches de cheveux en place, me laisse un instant désirer, avant de céder à mon propre jeux. Il y a bien trop à voir, à toucher, .. à goutter. Mes mains, dans un premier temps posées sur son torse pour me stabiliser s'activent, achève d'ouvrir sa chemise. Je me veux trop rapide, butte sur un bouton, lui consacre un peu plus d'attention pour en triompher.
D'un coup sec, je sors la chemise en question de son pantalon, en écarte les pans. Je prends le temps de regarder ce qui s'offre à présent à ma vue, effleure légèrement du doigt ses dénivelés. Bientôt, je mets mon exploration de côté pour redécouvrir ses lèvres, me penche contre lui, rencontre sa bouche, lentement, sans me presser. Ma langue caresse sa lèvre inférieure pendant que je décide de la marche à suivre, laisse à mes mains libres de le toucher. Je mets subitement fin au baiser, écarte mes lèvres des siennes pour m'adonner au plaisir de cartographier sa mâchoire, puis dérive entre sa gorge et son oreille, suis des motifs incohérents, au grès de mes envies. Je me plais à tantôt y mettre la langue, tantôt les dents, et, à la jonction du cou et de l'épaule, en viens à aspirer légèrement la peau, rosissant sa peau si claire en une ligne courbée et imparfaite, gagne le torse dans la foulée, sans m'arrêter. Mon cœur bat bien vite, je me surprend à bien trop apprécier ces petits jeux, ne retiens pas mes sourires. Inspirée, je lui mordille l'épaule, lui donne un très léger cou de langue dans le cou avant de revenir sur mes pas et, plus hésitante, une main dans ses cheveux, presque tremblante, en donne un autre, au niveau de la poitrine. Je pique aussi quelques baisers de-ci de-là, attaque avec plus d'insistance sa gorge, passe mes mains sur ses bras, n'apprécie par le tissu qui s'y trouve toujours, entreprends d'ôter complètement ce tissu qui me dérange, passe les doigts sur ses muscles, note les différences de texture, reviens à ses lèvres en passant les mains dans son dos, en profite pour tirer légèrement sur le matériau, lui intime de m'aider en soulevant le dos. Le mouvement qui suit me prend légèrement par surprise - je manque d'oublier mon but premier, glisse légèrement, m'exécute in-extremis, le souffle coupé. Assise sur ses hanches ou presque, je réalise notre proximité, les joues brûlantes. Je me cache dans son cou que j'embrasse, profite d'un nouvel espace à conquérir pour me distraire.. effleure ses omoplates.

Rien ne compte plus que l'instant - et j'entends faire durer le moment, en profiter, aussi. Mes mains conservent leur souveraineté et découvrent avec plaisir les contours de ses muscles, cartographient les aspérités de son dos, franchisent des limites jusque-là connues et respectées. La façon dont Damon soupire me fait sentir incroyablement fière de moi, tout particulièrement puissante. Je ne loupe rien, ressens les crispations de ses muscles, parvient même à deviner de légers bruits de gorges, échos des miens, plus tôt. Ne pouvant m'empêcher de sourire, je continue mon exploration et mes expériences, m'autorise un tas de choses qui me font rougir. Ses mains dans mes cheveux m'encouragent ; je suis les pourtours de son corps, viens à m'en rapprocher encore, les lèvres dans son cou, toujours à l'oeuvre. J'aspire, embrasse et mordille sa peau, me régale des sensations et frémissements que je lui arrache - il n'est toutefois pas en reste, me vole un soupir quand ses mains frôlent mon dos, se positionnent au niveau de mes hanches. Mon cœur rate un battement, je m'applique un instant davantage avant de lâcher une expiration presque tremblante. Il me semble injuste qu'il ai autant de pouvoir sur moi - je ne prends toutefois pas la peine de m'appesantir sur la question, me perds dans ses yeux bleus. Sa main rencontre mon corset, relâché mais toujours en place, paraît avoir dans l'idée de m'en débarrasser. Je ne peux pas m'empêcher de sourire : il ne l'aime vraiment pas. Je tâche de refouler un peu d'appréhension, m'immobilise quelques secondes, suffisamment en tout cas pour qu'il s'interrompe. Je lâche un léger soupir, plus soulagée que déçue.
Damon s'agite légèrement, je pose une main sur le lit pour me stabiliser, l'autre frôle sa cuisse tandis qu'il vient à ma rencontre, sa bouche trouvant mon oreille pour y susurrer...

- Tu me fais confiance ?

Ma gorge se serre, sa voix, plus basse, presque rauque, m'attire plus encore. Ses mots me ramènent à d'autres jours, je repense rapidement à notre amitié, aux événements qui nous ont menés ici - si je suis incertaine quant au véritable sujet de sa requête, si je ne parviens pas à m'empêcher d'être un peu nerveuse, la question ne se pose pas. Pas vraiment. Je sais qu'il n'y a que lui - que personne d'autre ne pourra jamais prendre sa place, quelle qu'elle soit. Il retombe un peu en arrière dans le matelas, dégage sa gorge. Mon cœur bat plus vite et, les yeux écarquillés, j'hoche la tête en silence, les lèvres sèches. Les mots ne sauraient m'aider, n'ont plus de sens, ici - je ne parviens pas à les exprimer, ne saurais lui dire que ma vie lui est acquise, que je lui confierais tous les jours qu'il me reste, sans hésiter. Le souffle heurté et mon vocabulaire envolé, j'en suis réduite à le regarder récupérer un objet, frémis sous la caresse de sa main qui m'invite à m'allonger davantage,  me laisse doucement reposer contre son torse. Je ne le quitte pas des yeux, y lit une certaine attente, un besoin de confirmation. Je déglutie, pose une main sur son torse, me relève assez pour atteindre sa gorge, y dépose un baiser du bout des lèvres, sans m'attarder, avant de rejoindre ses lèvres, tendrement, sans me presser. Ca, je connais, peux lui offrir sans mal, commence même à m'y habituer.

- Plus que tout.

Ma voix n’est qu’un murmure, reste ferme malgré l’émotion qui menace de me submerger. Le cœur jusque dans la gorge, j’effleure légèrement son torse du bout des doigts, le visage presque penché vers lui, nos bouches séparés de quelques centimètres tout au plus, mes jambes entre les siennes, nos ventres se rencontrant. Ma respiration est irrégulière, tout comme les battements de mon cœur, qui s'affole de notre contact prolongé. L'attente est insoutenable, je lui vole quelques baisers sur la ligne de la mâchoire, brûlante et comme assoiffée, mourante sans ses caresses, sans sa peau ou ses lèvres. Cette nouvelle proximité me semble plus intime encore, me remplis de satisfaction - je ne me lasse pas de la vue qu'il m'offre, ne réalise pas encore. Un reflet attire mon regard et je découvre une lame. Je fronce les sourcils, ne comprends pas tout de suite. Interdite, je le regarde approcher l'arme, la tête légèrement penchée sur le côté avec, comme un poing chaud et vivant, une pulsation sous la peau, sur ma hanche, là où sa main repose et m'effleure. Trop de tissus et pas assez, le dilemme revient - j'en perds la tête, il me rend simplement folle.

La lame rencontre la peau de son cou – mon souffle se perd quelques secondes et une goute commence à perler de la plaie. Je n’ai pas le temps de m’y attarder que ses lèvres volent mon attention, me ramènent à lui. Me concentrer devient compliqué, mes pensées s’envolent et dérivent, reviennent en cercles concentriques à mon sujet favoris, que j’explore pour le moment avec ferveur. Je soupire d’aise tout contre lui, les yeux clos et le cœur erratique. Le sang est momentanément oublié, laissé de côté et je me détends entre ses bras, souris tandis qu’il se fait plus audacieux, joue avec mes lèvres. Je lui rends bien la pareille, nos bouches s’entre-dévorant dans le silence relatif de la pièce. Ses mains me caressent à nouveau et je frémis, revis sous son toucher. Je suis en feu, le ventre serré et frissonnante, mes expirations tremblantes. Nos lèvres se quittent pour mieux se retrouver, me laissant seulement de quoi respirer, sans perdre de temps. La sensation de sa peau contre la mienne, de ses doigts remontant le long de ma cuisse me fait un drôle d’effet, la tête me tourne presque, je déglutie difficilement, lâche une respiration plus bruyante. J’ai l’impression que son toucher me brûle, suis consciente de chaque effleurement, en garde comme la trace. Mes mains se perdent dans sa nuque et dans ses cheveux, ma jambe tressautant légèrement en réaction à son mouvement. A bout de souffle, il me libère pour dévorer ma mâchoire et la tête partant en arrière, je réapprends à respirer, reste un instant immobile pour tenter de contrôler le flux de sensation continu qui m’assaille, y parvient peut-être à moitié. J’entrouvre les yeux, laisse mes mains jouer dans ses cheveux, le rapproche encore de mon cou, l’encourage à ma manière, les lèvres serrées, certainement gonflées, aussi. Une drôle de sensation me fait porter plus d’attention à mes bras – que je découvre rougis.
Cette réalisation me rappelle d’autres faits et je profite d’un moment d’inattention de la part de Damon pour le repousser doucement sur le matelas, trouve son regard avant de lentement m’approcher de son cou, embrassant la plaie avant de redescendre et récupérer le liquide carmin qui tente de s’échapper. Je ponctue le tout de légers mordillements, laisse ma langue sillonner sa peau, que je viens tantôt à aspirer entre mes lèvres. Le goût du sang ne me dérange pas, l’idée même en devenant excitante – mon vampire m’offre son sang. Je sens d’ailleurs le liquide qui se rebelle, glisse contre mon menton, ne trouve pas là un sujet d’intérêt, replie légèrement ma jambe – frémis de sentir sa main si proche de ma hanche, mon membre effleurant la partie intérieure de sa cuisse. Je me montre plus avide, suce et lèche la plaie, un sourire sur les lèvres. Je joue dans un même temps à tracer le contour de ses muscles, passe des épaules aux lignes de son torse, les effleure distraitement, appliquée à ma tâche première. Quand la fantaisie m’en prend, j’abandonne son cou dont le saignement a diminué, lui offre un regard malicieux avant de réclamer ses lèvres, les titillant à mon tour avec gourmandise, savourant la sensation de leur réunion. Je ne tarde pas à m’enhardir, laisse ma langue passer sur sa bouche, lentement, avant de me montrer plus insistante, cherchant à approfondir notre baiser, à, peut-être, lui faire sentir le goût de son sang sur ma langue. Je gagne rapidement l’accès souhaité, explore cette nouveauté avec plaisir, une main dans ses cheveux, l’autre toujours sur son torse.

Notre baiser ne dure pas, Damon y mettant fin pour, semble-t-il, respirer. Je sens son souffle contre mon cou, et bientôt, ses lèvres. Je souris doucement, les esprits embrumés. La tête me tourne légèrement mais je n'y prend pas garde, bien plus intéressée par la sensation de ses lèvres contre ma peau. Je ne m'y fais pas encore, pas véritablement, ne suis pas sûre de m'en lasser, de trouver la chose normale un jour. Mes mains retrouvent la jointure entre sa nuque et ses cheveux, s'amusent à passer entre les mèches, à caresser sa peau, sens les muscles qui s'y tendent et s'y détendent. Je ferme un instant les yeux, respire. Le goût métallique toujours sur la langue, j'ai presque l'impression que l'air que j'aspire s'en voit altéré, en a la saveur. Je préfère le geste a son actualisation, régule mon rythme cardiaque. J'ai dans l'impression que le rythme que nous nous imposions se fait plus lent, que nos corps réclament un peu de repos. L'atmosphère se fait un peu plus légère, j'étouffe moins. Damon a pourtant d'autres idées en tête, s'active à nouveau, ayant comme pour mission de me faire oublier de respirer. Ses lèvres se font aventureuses, cherchent un nouveau chemin, glissent pour parvenir à ma clavicule, ne s'arrêtent pas là. Je ne parviens plus à respirer, le cœur s'emballant à nouveau. La gorge serrée, je tâche d'inspirer, en retard, frôle l'hyperventilation. Il frôle le tissu de ma robe, est bien proche de ce qu'il y a en dessous - plus proche que quiconque n'a jamais été, une fois de plus. Je me mords la lèvre, les martèlements dans mes tympans me rendant sourde au reste. Les places sont échangées sans un mot et je m'enfonce à nouveau dans le matelas, relève légèrement la tête, le souffle coupée et les joues brûlantes, pour le voir à œuvre. C'en est presque trop.. Comme en réponse, décidé à ne pas me laisser m'enfuir, ses mains récupèrent mes poignets, me stabilisent, m’immobilisent. Je ne sais pas si c'est de l'inquiétude ou non, mon cœur palpitant de plus en plus rapidement, à m'en briser les côtes. Je ne peux pas m'empêche de m'inquiéter, ne serait-ce qu'un peu. Je... J'ai bien du mal à me laisser aller, à profiter de ses caresses, mal à l'aise avec mon manque de marge de manœuvre. Je lui fais confiance, oui.. Mais l'illusion de liberté me manque cruellement. Je ferme les yeux, essaie de me calmer. Je me concentre sur ses caresses, essaie de laisser le reste de côté, de me détendre.
Ses mouvements parviennent dans un premier temps à me distraire. Puis ses dents entrent dans la partie. Je tressaille sous l'attaque, surprise. Là où, les fois précédentes, des baisers et coups de langue adoucissaient la morsure, cette dernière va en s'intensifiant. La sensation n'est pas des plus agréable, je ravale une grimace, me contracte sous lui, incapable d'apprécier cette nouveauté. J'ai l'impression qu'il est loin, ne parviens pas à rétablir l'image que j'ai devant moi et ce que je ressens. Mon malaise augmente, j'essaie de tirer sur mes poignets - rien. Pas un centimètre de gagné, il ne bouge pas d'un pouce, ne semble pas s'être rendu compte de ma tentative. Mon cœur s'affole, la panique me gagne. Le désagrément se change en douleur, je serre les dents, ne comprend pas. J'essaie de parler, m'en vois incapable. Un mouvement de dent particulièrement vigoureux et un glapissement m'échappe. Le souffle coupé, la gorge serrée, je ne fais plus le lien entre notre après-midi et le présent. Je nage en plein cauchemar. Je ferme les yeux, me mord la lèvre. J'inspire rapidement, essaie :

- Damon ?

J'attends une réaction, une réponse. Rien. Pas même une pause. Mon souffle se perd, j'en tremble presque. Les yeux écarquillés, j'essaie encore de me dégager de sa poigne de fer, en vain. J’abhorre ma faiblesse, ne masque pas ma détresse. La douleur est continue, enfle peu mais suffit à tordre les traits de mon visage. Ce qui fait le plus mal, c'est la personne qui m'inflige ça. Je déglutie, les yeux humides. J'essaie de les empêcher de couler, n'y parviens pas. Je pense que ma nature d'humaine ne m'a jamais semblé si évidente, si handicapante. Je ne suis qu'un morceau de viande, une portion de peau à consommer - puis à jeter ? Cette question-là reste en suspend, je n'en veux pas de réponses. Ma colère monte avec mon incapacité à me faire entendre, à me manifester. Je suis renvoyée à nos premiers instants, à cette tentative de vol initiale. Et je n'aime pas ça. Pas de douceur ou de jeu, rien. J'invoque ma seule défense, retiens un sanglot. Hélène... Une odeur de fleur, de plante plane dans l'air et sa prise se desserre considérablement - je ne gâche pas cette opportunité et me glisse hors de sa portée, fuyant plus que me libérant. J'atteins l'autre côté du lit, trébuche dans les draps, tombe à genoux sur le parquet, fait face au mur, ne me relève pas. Courir ne sert à rien. Je n'oublie ni sa force, ni sa rapidité. Le regard fixé sur le sol, les bras ballants, je sens encore ma peau qui brûle, le sang qui pulse dessous. Les larmes coulent et je ne sais plus que faire. Une part de moi ne veut pas croire aux événements actuels, cherche à se réveiller d'un affreux rêve. L'autre se sent trahie. Rêverait de prendre les armes, de s'accorder une rétribution. De pouvoir ne serait-ce que l'obtenir, avoir la force de me défendre, de ne jamais être blessée. Mais ceux à qui l'on ouvre son cœur ont bien des avantages dans la matière. Je ne parviens pas à le détester, en veux presque davantage à ma faiblesse. Physique, ou d'aimer ? Qui sait. Je reste prostrée, du sang a demi séché sur le menton, les joues humides, un impressionnant bleu fleurissant sur ma peau meurtrie. Je souhaiterai avoir la force de me lever, de sortir en claquant les portes, à quoi bon ? Je ne me vois pas refaire les mêmes erreurs, refuse de m'enfermer dans la salle de bain. J'y ai passé bien trop de temps, déjà. Je me mords la lèvre, ne fais aucun bruit. J'aurai peut-être dû m'y attendre. Une petite voix, que je connais si bien, n'a pas besoin de me lister ses arguments. Elle l'a déjà fait. A croire qu'elle soit ma seule véritable alliée. Elle m'a mise en garde. M'a bien dis que les hommes, pire encore s'ils n'étaient pas humains, ne respectaient pas grand chose. Que l'on me ferait du mal. Tout a commencé de cette manière, après tout... Je ne sais plus qui parle, mélange ses pensées aux miennes. J'ai froid. Je regroupe mes bras contre ma poitrine, masque ma blessure, peut-être plus interne qu'externe, même si elle promet d'être impressionnante, une fois éclose, me sens infiniment triste, brutalement rappelée à l'ordre par l'univers.

Je respire, tâche de m'éclaircir les idées. Une partie de moi ne comprends pas encore ce qui vient de se passer, refuse de l'accepter, encore moins de l'admettre. Peut-être sous le choc, je reste immobile, sans me retourner, ne sachant pas ce qui m'attend. Je ne sais pas comment nous en sommes arrivés là - ou malheureusement trop bien, quelque part, reste muette. Que dire ? Que faire ? Ma peau pulse encore, je frémis sous le souvenir de ce qui vient de se passer. Je me sens encore infiniment vulnérable, fragile. Sauf qu'au lieu de me détester pour cela, cette fois, j'essaie d'accepter mes sentiments, de m'accepter, moi. Je cligne des yeux, me débarrasse de mes dernières larmes, retrouve la vue. Je sais qu'Hélène est dans tout ses états. Je la sens pratiquement s'agiter, devine ses sentiments comme s'il s'agissait des miens. Je ressens sa fureur, sa.. haine. Je n'ai pas besoin de fermer les yeux pour me rappeler de certaines images, lui sais un passif certain avec les vampires. Et elle en veut profondément à celui qui occupe la pièce. Cette pensée aurait pu me faire sourire, un autre jour, elle en vient ici à m'inquiéter. Je me remet doucement de mes émotions, dans un silence trop figé, presque contre-nature. Un bruissement et je me crispe légèrement. Je bloque ma respiration, ne m'en rend pas tout de suite compte. Damon n'est plus de son côté du lit. Je me force à respirer normalement, compte les secondes dans ma tête. J'inspire, j'expire. Une part de moi s'inquiète, a.. peur, oui. Peur de ce qui l'attend, peur d'avoir mal, peur de sa réaction. Je ne parviens pas à ôter de mon esprit les cris de mon père, la façon dont sa main a, un jour, rencontré le visage d'une domestique. J'ai perdu mes repères, ne sais plus vraiment à quoi m'attendre. Mais... J'ai toujours envie d'y croire. Je déglutie, la tête basse. Ce monde n'est ni simple ni si parfait... Suis-je censée accepter ce genre de comportements ? Je suppose que d'autres le font.. Mais, et moi ? Je cherche où je me situe, tais les exclamations d'Hélène, qui ne décolère pas -
Je la coupe nette sur cette voie, fronce les sourcils. Non. Il s'agit de mon combat, de ma vie. Je la remercie pour son soutien, pour son intervention, reste ferme. La colère, l'indignation que soulève son exclamation me rend des forces. Je fais le point en silence. Je n'aime ni ce que le présent m'offre ni la perspective du futur. Le passé, lui, contient de bons souvenirs. Dont celui d'une promesse. Je me mords la lèvre. J'ai vraiment envie de croire en quelque chose de bon, crains un monde où il ne m'est plus possible de lui faire confiance ; qui d'autre la mériterait, sinon lui ?

- Amanda...

Sa voix vacille, me fait mal au cœur. Tout autant que mes genoux commencent à se montrer douloureux, subissent le contre-coup de ma courte fuite et de la chute qui en a résulté. Après d'infinies précautions, ses bras se glissent autour de moi et, si je reste plutôt tendue, je ne m'éloigne pas. Sa tête contre mon épaule, je relève légèrement les yeux, reste a demi cachée sous le couvert de mes cheveux en pagaille, traite les émotions qui menacent de me submerger, mes nerfs à vifs.

- Je me déteste... Je n'aurai jamais dû... Devenir ce que je suis...

Je ne sais pas ce que j'attendais, mais.. ce n'est pas tout à fait ça. Et ses propos tirent sur une corde sensible. Si l'instant n'est pas des plus glorieux, notre relation en a connu d'autres, particulièrement semblables. La gorge serrée, je me perds. Je ne sais plus que ressentir. Une part de moi a de l'empathie, souhaiterait apaiser ses inquiétudes, le rassurer. L'autre ne le peut pas. Je suis la plus blessée des deux, je n'en doute pas. Et s'il y a une chose que je ne peux pas faire, c'est rester silencieuse.

- Il est un peut tard pour ça.

Si ma voix est rauque, elle reste incroyablement égale, se veut plutôt neutre. Je ne peux m'empêcher de sentir, quelque part, que son intention est bonne, qu'il regrette. Mais ses mots ne suffisent pas, ne sont pas ceux que j'attends. Sa position, au contraire, me parle davantage.

- Et il n'est pas question d'y remédier. Nous avons promis.

Je prends une inspiration, carre légèrement les épaules. Je fais ensuite en sorte de me retourner, récupère mon épaule, lui fait face. D'autres choses doivent être dites. Des mots qui m'inquiètent et me font mal - qu'il m'est impossible de garder pour moi.

- Je compte respecter ma part du marché - ne me fais pas mentir. Mais.. Je ne permettrais pas que ça recommence.

Je déglutie, puise de la force dans ses yeux bleus. Il me semble que mon cœur saigne encore. La blessure ne semble pas fatale. Le temps que j'ai offert suffira, certainement... La gorge serrée, je retiens un tremblement, malgré de presque murmures. Je ne lui laisse ici pas de choix, déclare mes termes, ne veux plus me retrouver dans cette position, plus jamais. Je crois que je ne le supporterais pas. Je refuse d'associer son image à cette violence, à cette sensation d'impuissance et de trahison.
Ce n'est pas là la personne que j'ai appris à aimer.

Certaines choses doivent être dites. Je n'imaginais pas pouvoir le faire, mais... Voilà les mots prononcés et le monde n'est pas en proie aux flammes, le ciel reste à sa place. J'ai rarement autant appréhendé. Je regarde son visage, qui ne me rejette pas, ne se met pas en colère. Un soupire, seulement, lui échappe. Je ne sais pas ce que cachent ses yeux. J'ai, pour la première fois depuis longtemps, l'impression de ne pas vraiment le connaître. Il y a beaucoup de choses que je ne sais pas - des siècles, peut-être, que je ne saurais jamais. J'essaie de retrouver le Damon que je connais dans le visage qui a su m'inquiéter. Il y a les pommettes, la forme du nez, l'arche de ses sourcils. Je les reconnais, ils n'ont pas changés. Mon souffle se fait plus régulier, mes genoux bien solides sous mon poids, qui ne tremblent plus. La douleur s'estompe déjà. Je devrai peut-être m'en inquiéter mais... Mon humeur m'attire ailleurs. J'attends, ferme, un verdict. Pas que je sois prête à négocier. Non. Je ne veux plus accepter, rester passive, voler mon temps. Les escapades que je chéris ne suffisent plus. La simple perspective d'un lendemain... Le futur, tel qu'il se dessine, est bien gris. Je dois trouver une solution. Apprendre à manier les cartes que l'ont m'a confiées. En aiguiser les bords, faute de mieux. J'inspire, desserre mes poings sans enregistrer le mouvement. Je ne me prépare pas au pire, je... La seconde s'étire, l'attente aussi, le... le vide.
Ses sourcils se froncent, rompent la ligne que je fixais jusqu'alors. Puis Damon hoche la tête.

- Je ne recommencerai pas. Je te le promets.

Il me semble presque qu'il se penche vers moi. Le cocon se reforme doucement, nous isole du monde. C'est du moins mon impression. Mon cœur repart, avec un peu d'espoir. Plus lourd. D'une nouvelle promesse, que je me dédie. Je déglutis, une lame directement placée dans ma poitrine. Je me souviens de la montre que je lui ai offerte. Je parviens presque à sentir sa texture sous mes doigts. Dans ma tête, l'objet se remet en route. Tic tac, tic tac. Le temps qui s'écoule à nouveau, l'angoisse presque, d'une autre confrontation. De devoir honorer ma promesse, briser la nôtre. De me briser le cœur.

- On a toujours un anniversaire à fêter, il me semble. Si tu le veux bien...

Il se relève, tend une main dans ma direction. Je ne réfléchis pas, la prends, laisse mes jambes faire leur office sans profiter de sa force. Je me redresse, seule, ma main dans la sienne.

- Je suis désolé... d'avoir gâché un peu plus ta journée.

Je reste un instant interdite. Je ne sais pas quoi répondre. Je ne sais pas vraiment ce que je ressens. La journée est-elle pire qu'elle ne l'était ? Pouvait-elle seulement empirer ? J'hésite. Je ne sais pas quoi penser. Suis-je encore choquée ? Déjà passée à autre chose ? Je... Je n'ai pas envie de sourire, pas tout de suite. Trop tôt. J'ai dans l'idée que le tic tac se poursuit, que le temps me manque déjà. Alors j'inspire, je ferme les yeux. Qu'est-ce que je veux ? Partir d'ici, retrouver de l'air.

- Bien...

Le plus dur, finalement, ce n'est pas de parler. Pas toujours. C'est l'après. Quand il n'y a plus les mots. Le plus dur, parfois, c'est de rester, d'attendre. J'ai  envie de voir le ciel, de retrouver le vent. Je baisse la tête, me souviens que ma tenue laisse à désirer. Avant de partir, il va... Falloir rajuster certains éléments. Je me force à trouver son visage, à ne pas me cacher, à échanger un regard. Je me redresse.

- Sortons.

Je lâche sa main après une légère pression. Je ne sais pas comment je me sens, mais je ne veux pas être seule. Non. Je ne veux pas être sans lui. Qu'il parte avant que la tension ne soit tout à fait dissipée. Je me rends compte que j'ai froid, m'affaire rapidement, remet en place ce qui doit l'être, la force de l'habitude aidant à accélérer le processus. Je me sens davantage maître de moi quand c'est fait. Je suis boutonnée et ficelée comme il le faut, parée pour ce qui m'attend, quoi que ce soit. Je reprends sa main dans la mienne, ne l'attend pas pour me diriger vers la porte. Ce faisant, je m'arrête devant lui, ferme les yeux en posant mon front contre le sien. Je suis sur la pointe des pieds, maintient tant bien que mal mon équilibre.

- Allons-y.

Ma voix est plus calme, je m'y reconnais à nouveau. J'ai l'impression qu'un voile se lève, que mes idées sont plus claires. Enfin. Je reste là, respire profondément, profite de ce petit contact, oublie un instant le temps qui court.